Il est probablement deux jours où il valait mieux ne pas mettre le nez dehors à Toulouse, sur l'ensemble de ces 15 dernières années.
Le premier, c'était le 27 Décembre 1999. Ce jour là, et pour la première fois, je m'étais opposé à mon daron qui voulait que j'aille passer le réveillon en famille à Marseille, où je me serais probablement fait outrageusement braire si j'y avais effectivement été (non pas que ma famille soit inintéressante, mais à 16 ans révolu, j'ambitionnais pour le réveillon du siècle de le passer plutôt à perfectionner ma manière d'embrasser une fille que de subir la moustache de ma grand-mère), et resté à Toulouse pendant que mes parents partaient et que mon père ruminait sombrement, j'avais fait l'après midi de cette journée là ce que j'ai fait un certain nombre dément de fois après une « rupture » (j'avais eu ma première copine quelques semaines plus tôt. Cela avait duré une semaine en comptant aussi large que sur un devis de traiteur du ministère de la justice), à savoir un pèlerinage rapide et fortuit jusqu'aux environs du domicile de la malheureuse ex.
… Sur mon Ciao dépassant déjà difficilement la vitesse d'une tortue lestée d'un piano à queue en temps normal (c'est à dire avant que j'ai une dizaine d'accidents avec), je ne vous dis même pas comme je n'en menais pas large, seul sur la route alors que des vents de 150 km/h de la fameuse "tempête de 99" se déchainaient.
Si cette dernière réplique ne vous a pas fait sourire, c'est que vous en êtes encore à vous dire que je suis un psychopathe, ce que je m'emploierais (un jour) à nier farouchement.
… en espérant que cela ne soit pas en tant que principal protagoniste d'un procès d'assises.
Bref.
Le second, c'était le mercredi 7 Janvier 2009, à 20H30, le premier jour des soldes en période de crise économique mondiale régulièrement comparée à celle de 1929, et jour de la plus incroyable tempête de neige à laquelle on ait de mémoire de non-croulant assisté à Toulouse.
Le jour où j'avais promis d'emmener Brune faire les soldes chez H&M.
(…)
Petite annonce personnelle, tant que j'y pense : Celui qui a réussi à renier un jour pareille promesse, qu'il me fasse signe de toute urgence, histoire que je sache éviter pour l'avenir le prochain jour de jugement dernier.
Non parce que faire mes courses à Ikéa le jour ou la Russie atomisera le monde occidental, merci bien.
(…)
Ce (dantesque) soir là, donc.
Lorsque brune et moi ressortons du centre commercial de Labège, endroit qui aurait probablement inspiré l'irrémédiable envie à Rimbaud de devenir entrepreneur de pompes funèbres à Dunkerque, la notable irritation qui était la mienne lorsque j'avais constaté que la brune avait mis une heure et demi pour n'acheter qu'un jean qu'elle songe déjà à se faire troquer par un énième sac (sic.), bref, cette notable irritation laissait la place sur mes traits défigurés de colère contenue, à une anxiété méchamment palpable lorsque je notais sobrement que la file d'attente de véhicules cherchant à regagner le centre de Toulouse, situé à une dizaine de kilomètre de là, commençait dès le parking de ce Tchernobyl urbain.
Ah, et que le parking avait également disparu sous une épaisse couche de neige, chose n'arrivant d'ordinaire jamais à Toulouse parce que c'est bien connu, la ville rose est une ville où il fait toujours beau et chaud, donc la neige ne tient pas.
En revanche, c'est beaucoup moins connu que c'est carrément pas le cas par exemple par fortuit du tout le premier jour des soldes de 2009.
Hélas.
Après avoir chargé dans le coffre de ma petite 306 de quoi faire oublier la notion de famine à 3 nouvelles générations Somaliennes (de toute évidence, brune et moi confondons les notions de « faire ses courses raisonnablement » et « acheter tout ce que l'on trouve de sympa dans les rayons à un point que ça en devient pathétique »), je démarrais la voiture tout en tirant nerveusement sur la cigarette que je venais de m'allumer.
Et au vu des dernières propositions de loi Elyséennes, risquais de perdre mon permis en manquant de mettre le feu à la voiture avec mes cendres, les vitres électriques ayant refusées obstinément de descendre se planquer au chaud dans la portière.
Les vitres électriques d'une 306 sont incroyablement masochistes.
Comprenant que prendre l'encombré itinéraire de monsieur tout le monde risquait de compromettre fortement le diner fondue que j'avais organisé avec mes amis pour 20h45 précises (sic, pléonasme), je prenais la direction exactement opposée, c'est à dire celle m'éloignant d'une dizaine de kilomètres de plus du centre ville de Toulouse, sur une route où la neige tombait plus drue et les voitures de devant volaient droit (dans les bas cotés).
La brune, pas d'une nature inquiète mais aussi émotive qu'un éléphant au milieu d'un lâché de souris mutantes, s'enfonce très vite plus profondément dans le siège passager que Béatrice Guidot dans une tombe.
Mais heureusement, je me comporte en mâle sage, mature et rassurant lorsque pour la première fois, une voiture pile devant moi et que mes freins ne se montrent pas plus performants qu'une de ces petites merdes de bâton de colle jaune UHC.
« Mais bordel de merde, Klaxon bouge connard ! Klaxon Avance ! Mais avance Klaxon ! Putain, quel con, connard KlaxonKlaxonKlaxonKlaxon! »
… Si vous me connaissiez, vous sauriez que je suis vraiment resté très modéré.
Nous nous éloignions de plus en plus de Toulouse, au point que la lumière naturelle qui entoure la ville la nuit (et qui fait que lorsque l'on l'aperçoit pour la première fois en rentrant par cette insupportablement chiante autoroute de Narbonne, on soupire en se disant qu'il ne reste qu'une vingtaine de kilomètres) ne devint qu'un souvenir aussi vague dans mon rétroviseur que Pascal Sevran.
Mesquin, je sais.
Lorsque nous trouvons enfin un pont enjambant l'autoroute qui nous permette certes pas de revenir sur Toulouse mais au moins de ne plus nous en éloigner, il fait aussi noir autour de nous que dans mon premier café du matin, et en lieu et place de routes, je tente de suivre et de rester sur deux minces lignes de bitumes surgissant ca et là entre de quoi recouvrir en neige durable toute l'Arabie Saoudite.
Et mon téléphone portable était évidemment éteint, rendant très difficile toute tentative de contacter mes amis pour leur expliquer pourquoi à 21h15, nous n'étions pas attablés autour d'une bonne fondue savoyarde comme je la leur avait promis.
Pour une fois que j'aurais eu une explication tirée par les cheveux MAIS véridique.
Arrivés à Castanet Tolosan, nous reprenons enfin le chemin de Toulouse, zigzaguant courageusement entre les voitures partant ou parties dans le décor, ce qui n'était somme toute pas très difficile à faire puisque même à 10km/h en seconde, il était difficile de faire autre chose que zigzaguer.
Et en plus, l'alcool n'était (pour une fois) pas en cause.
Je rigole monsieur l'agent, vous vous doutez bien que tout cela n'est que pure (science) fiction.
Hum.
Très rapidement, la brune fait toutefois comprendre que fondue savoyarde ou pas, le fromage fondu risque d'être rapidement au menu.
J'aurais pu faire encore plus gore en parlant de jambon-fromage fondu, mais je pense que vous aviez tous compris l'idée de toute façon.
Au pire, c'est chose faite. Bref.
17 kilomètres de Toulouse : « Nico, il y'a une place à droite ! »
15 kilomètres de Toulouse : « Et si on rentrait en métro ? »
13 kilomètres de Toulouse : « Tiens, des piétons, si on faisait comme eux ? »
…
280 mètres de notre chez nous : « Poirier, bordel de merde, tu gares cette voitures de suite ou je rentres chez ma mère avec les chats, nom d'un chien ! »
(…)
C'est ainsi que ce soir là, la Brune et le Nico arrivèrent entier ou presque (aux dernières nouvelles, l'estomac de la brune aurait été aperçu aux Bahamas), et alors qu'ils venaient de se dire tant pis pour la fondue avec tes nos amis, on fera une soirée sous la couette, il ils eurent le plaisir de voir que ces derniers les avaient courageusement attendu, et cela en plus sans trop vider le cubi de 10L de vin dégueu que Mat portait toujours sous le bras, celui qu'il ne s'était pas démis en tombant lourdement sur la neige.
Ça a été un diner génial, en fait. Le diner auquel je ne croyais vraiment plus quand à 21h50, je venais de voir partir dans le décor une énième voiture qui me précédait.
Nous étions 5, et jamais de mémoire de non-croulant, une fondue n'avait été aussi bonne.
… Et de toute façon, la partie couette de la soirée fondue n'a été repoussée que de quelques heures, alors bon.