« Suite à un accident de personne sur la voie, notre train restera arrêté en gare de Marmande pour une période indéterminée. »
Je remue sur mon siège, sortant vaguement de mes rêveries commencées lorsque j’avais assis mon cul dans ce fichu TGV, quelque part aux alentours de 6h du mat. Mon ordinateur posé devant moi continue à faire défiler les mp3 alors que les écouteurs trainent depuis déjà longtemps par terre, c'est-à-dire le moment où les heures de sommeil emmagasinées dans la nuit qui a précédé se sont avérées nettement insuffisantes.
Quelque soit l’heure à laquelle je doive me lever, j’ai toujours du mal à m’effondrer de sommeil avant 3h du mat.
Ce qui pose problème quand j'ai du me lever à 5h, comme ce jour là.
Des crétins que j’ai envie de baffer soufflent bruyamment, croisent leurs bras en signe de molle protestation contre cette atteinte à leur emploi du temps qui leur est faite, oubliant un peu rapidement tout de même que derrière la subtile notion d’accident de personne, c’est un pauvre type qui doit avoir ces abattis répartis un peu partout aux alentours d’un passage à niveau qui ne saura même pas si le plan de relance aura une efficacité ou non sur notre économie moribonde.
Le pauvre, tiens.
(…)
Je débarque à Paris avec 3h de retard, d’autant plus affamé que mon appétit à été injustement aiguisé par la promesse du plateau repas offert par la SNCF, plateau repas qui aurait donné un haut le cœur à père dodu, qui serait pourtant en mal de faire le difficile quand on voit l’odeur de cadavre en décomposition qu’on respire lorsque l’on ouvre ses foutues boites de Nuggets.
C’est dire.
Des 3h d’avance que je m’étais prévu pour arriver à l’heure à mon rdv, il n’en restait plus que 10 minutes de retard, ce qui avait pour effet sur moi de me transformer en parfait petit parisien instantanément.
... Autrement dit, j’ai bousculé tout le monde dans le métro, lancé des regards de haine à ceux qui trainaient à gauche dans l’escalator, et remonté l’avenue des Champs-élysées, où j’avais mon rendez vous, comme si je me baladais dans les rues de Aulnay-sous-bois avec un t-shirt « j’adore Jean Marie Lepen ».
J’ai rarement couru aussi vite.
J’arrive en bas de l’immeuble où je me devais d’aller, et me retrouve devant une secrétaire qui ne connait ni d’Eve, ni d’Adam, encore moins Mr Leblond et son avocat d’affaires, un maître de conférence qui a même son groupe de fans sur Facebook. Tant pis, je fonce quand même au 4ème étage comme le message sur mon répondeur me recommandait de le faire, et me retrouve dans un bureau d’affaires qui aurait conduit tout droit son détenteur à la Bastille si la monarchie était toujours d’actualité.
Heureusement, quand on voit la tête des descendants royaux, on peut légitimement se douter qu’il n’y a que peu de risque que la monarchie redevienne tendance en France.
Je me dirige vers les 3 greluches qui végètent elles aussi derrière un bureau.
« Mr Leblond ?
- Oui, c’est dans le bureau à droite, ils vous attendent. Je vous apporte un café ? »
Je me dirige vers le bureau, et durant les 3min qu’il me faut pour l’atteindre (rarement vu des bureaux aussi grand !), je me concentre posément et sans inutile considération personnelle sur mon rendez vous.
Ca a donné ca, en gros :
« J’ai la trouille, j’ai la trouille, non je n’ai pas la trouille, si j’ai la trouille, mais non, et puis zut, j’ai appris à gérer les discussions avec ce genre de personnes, suffit juste de jamais baisser les yeux, de parler calmement même si je ne suis pas calme, de ne pas se laisser impressionner et ne pas pleurer comme à l’époque du Cm2 quand mon odieuse prof me faisait remarquer devant toute la classe que j’avais déciment du mal avec la concordance des temps … »
Soyez franc, vous n'eussiez pas remarqué ?
« Monsieur Nicopoi, bonjour, je suis la pers -vous voulez un café ?- sonne que vous avez eu au télépho - avec ou sans sucre ?-ne, Mr Leblond »
Ca y’est, je suis déjà perdu.
Où sont mes mouchoirs, déjà ?
(…)
Le lendemain, aux alentours d’une heure à laquelle je me couchais il n’y a pas encore si longtemps, je me retrouve à nouveau sur le quai d’une gare, celle de Montparnasse, à me retrouver avec une foule d’imbéciles à dépasser comme à Mario Kart -les plus vieux jouant les bananes- ceux qui se dirigent aussi vers les types de la SNCF aux allures patibulaires et armés de terrifiants lecteurs de codes barre.
Je suis très impressionnable.
J’arrive enfin dans mon compartiment, que j’ai réservé en première classe, et exténué, je m’affale sur mon siège, ravi d’avoir constaté que la rame était à peu près vide. Je ferme les yeux, et prie pour arriver à dormir jusqu’à Toulouse, ce dont j’ai vaguement besoin après la nuit blanche que je viens de passer en compagnie de mon ami Tom à jouer à un vieux jeu de Geek, Civilization 2.
Perturbant comme jeu : on a fait exploser à nous deux assez de bombes atomiques pour que mon opinion sur Staline en soit passablement remont...
« Gwendoline, vient, j’ai trouvé un compartiment libre ! Non, ne crie pas ! Tiens, je te pose ton jeu qui fait du bruit quand tu en remues les pions, ah non ! tu n’avales pas ! Oulala, tu fais beaucoup de peine à maman … »
Le train était direct jusqu’à Toulouse.
(…)
Cela a été un long, long retour, pendant lequel j’ai du essentiellement me concentrer sur la manière la plus intelligente de rester calme, autrement dit, de ne pas exploser en hurlant « mais bordel, mais il y’a une seconde classe pour des raseurs comme vous ! ».
Histoire surtout de ne pas devenir définitivement, moi aussi, un crétin …
NB : Ca y'est, la brune a dépassé les 100 visiteurs par jour ! Certains diront que c'est son style beaucoup plus clair et incroyablement moins fumeux que le mien qui fait son succès, j'aime à croire qu'il ne s'agit là que de médisances perfides qui me font doucement ricaner (Zut, Patrice Allègre n'est plus dans l'annuaire ?) et pour le prouver, paf, je vous incite à aller voir sa dernière publication, dans la joie et la bonne humeur. C'est ici, tiens :
http://mespetitsboulots.over-blog.com/
Il n'empêche, ceux qui me critiquent ne sont que d'infâmes raclures.