Depuis quelques temps, lorsque je croise dans la rue ces espèces d'êtres bizarres à la coupe militaire sur le coté et chevaline sur le dessus, je ne peux pas m'empêcher de réprimer un violent haut le cœur, rien qu'à l'idée qu'ils doivent selon toute probabilité graviter autour des 16 ans, et que ma foi, c'est l'âge à partir duquel j'ai connu une bonne partie de mes amis d'aujourd'hui.
Et quand rentré à la maison, je regarde une photo de cette époque, je me dis que la vache, on revient de loin, tout de même.
Le lycée, plus je m'en éloigne (notez bien que je ne dis pas encore la même chose de la fac, alors qu'il s'agit là encore bel et bien d'une période honteusement révolue), plus j'y repense non sans une certaine tendresse, ce qui peut sembler paradoxal de la part de quelqu'un ne manquant jamais une occasion d'aller s'y « soulager » en revenant de la Place St Pierre, rite immuable auquel nous sacrifions d'ailleurs régulièrement avec mes amis.
C'est dit le plus innocemment possible, mais petits lycéens de Fermat : ne vous appuyez jamais au grand portail vert.
... Ou l'on pourrait voir réapparaître des épidémies de type Peste noire dans la ville rose incessement sous peu, disons.
« Tuer le lycée », expression qui mériterait d'être aussi largement consacrée que celle visant le père, j'avais commencé à le faire dès ma dernière année dans ses locaux. Je pourrais même remonter plus loin, c'est à dire au jour où une CPE qui m'avait pris en affection m'avait donné le plus singulier conseil que puisse asséner une CPE à un lycéen s'angoissant à la vue de ses notes dépassant que très rarement la température de l'eau sous la banquise : « Nico, après tout, tu t'en fiches de tes notes, il n'y a plus de barrages qui puissent te contraindre de redoubler (j'étais en première), il te faudra juste avoir le Bac dans 2 ans, point barre ! ».
... Ma vie ne serait plus jamais la même.
Sans parler de mes résultats à venir, qui virèrent d'indécents de médiocrité à consternant de nullité en moins de deux.
Ceci étant, je n'ai jamais aussi bien « tué » le lycée que lorsque j'ai mêlé cette antre du non-dit bien pensant, où l'on pouvait se ramasser une heure de colle pour un bisou de couloir avec un peu trop de langue, bref, cette maison n'illustrant que trop bien le foyer du bon petit diable (ce nul bouquin que l'on s'est tous tapés en primaire, rah !) et dirigée par la main de fer d'une femme aussi glamour et joyeuse qu'une mère Térésa engagée dans les Marines.
Je suis devenu terriblement nuancé, décidément.
C'est ainsi que au cours de l'année 2002, j'allais passer les quelques jours qui servent théoriquement à réviser le Bac (tout au long de mes études, ma notion de révision s'est le plus apparentée à la notion de « première lecture découverte, la veille de l'épreuve aux alentours de 3h du mat ... ») à trainer au lycée avec ma blonde d'alors, qui en plus d'être ma « première », avait l'exquise qualité d'être l'illustration parfaite de la personne n'ayant pas froid aux yeux.
J'ai ... beaucoup appris à son contact, pour rester toujours en termes courtois.
En salles d'études, au rez de chaussée, j'allais particulièrement réviser les sciences physiques, lorsque j'allais découvrir les joies de, hum, les révisions « survolées » à deux de la mécanique des fluides.
Ce qui amena la (jolie) blonde a ce sobre constat qui restera gravé à vie dans ma mémoire :
« C'est que c'est puissant, ces trucs là ! »
Vu que nous ne sommes plus à proprement parler en très bons termes, elle ne pourra contester cette affirmation particulièrement flatteuse à mon endroit.
Le mur, lui, serait un témoin beaucoup plus loquace.
Cependant, l'apogée de mes révisions et de la destruction du mythe du lycée à inciter Michael Scofield de laisser son frère faire joujou avec la prise électrique plutôt que d'y mettre les pieds, reste le jour où nous nous rendîmes à la salle 301, le numéro d'une salle désignant fort ironiquement comme dans un hôtel l'étage à laquelle elle se trouve.
... Je ne me suis jamais, jamais, jamais remis (totalement) de la crise de fou rire qui m'a pris lorsque je recevais, quelques jours plus tard, le SMS suivant :
« Je suis en philo, salle 301. Cela fait tout de même bizarre de voir ma prof poser sa main là où j'ai posé mon cul ... »
... Hum, euh. Je suis confus.