Une des choses qui m'insupportait le plus à la fac, c'était l'incroyable quantité de papelards en tout genre qu'elle pouvait générer.
Et qu'il me fallait par conséquent organiser.
Pardon : qu'il me fallait faire tenir dans une pile s'effondrant systématiquement lorsqu'en soirée, une andouille posait dessus un verre (... de trop).
C'est tout de même fou comme c'est mal conçu, un papier.
Le jour où il devint avéré que je risquais de me noyer au milieu des diverses notes de cours constituant une seconde épaisse couche de moquette dans la chambre que j'occupais chez mes parents, je pris la seule résolution qui s'imposait :
... Je flanquais le tout à la poubelle et prenais dare-dare la direction de la Fnac pour m'y endetter à vie à acheter un ordinateur portable.
Il a évidemment été bradé 2 fois moins cher une semaine après.
Quand je vous disais que j'avais des accointances avec le Crédit Lyonnais.
(...)
La première fois que j'ai utilisé mon tout nouvel ordinateur tout neuf à la fac, j'étais somme toute aussi fier qu'un poux engagé par Bayer pour faire de la figuration à la télévision, les étudiants prenant leurs cours à l'ordi en amphi étant à l'époque aussi rares que les étudiants sympathiques et désintéressés en fac de droit.
C'est sur qu'en cumulant ces 2 critères, il n'en reste plus vraiment beaucoup.
Très rapidement toutefois, c'est à dire dès la première seconde où la maitre de conférence allait s'interrompre dans son blabla à sens unique, j'allais m'apercevoir non sans une vive contrariété que l'ordinateur avait un défaut somme toute assez consternant, à savoir que son ventilateur produisait en nuisances sonores de quoi couvrir le bruit d'une escouade de F22 bombardant la bande de Gaza.
Sans parler du fait que la chaleur dégagée tout de même par l'ordinateur rendait inutile l'allumage du chauffage central de l'université.
... Il m'est arrivé de suivre le cour en t-shirt et d'avoir trop chaud malgré tout, cela en plein mois de Décembre. C'est vous dire.
Cette petite contrariété assumée sans trop dégouliner de sueur (froide, même si l'expression peut sembler inadaptée vue que toute sueur que je pouvais émettre était vite transformée en un torrent de vapeur -c'est fou ce que ce fichu ordi pouvait chauffer-), j'allais tout content pianoter sur mon ordinateur non sans un certain plaisir, pouvant pour la première fois faire partie des frimeurs qui s'empressent de lever la tête le plus vite possible après avoir pris des notes, histoire de montrer qu'ils ont une putain de dextérité du stylo.
... Chose que je ne pouvais absolument pas faire jusque là, puisque en raison des quelques contraintes que pose ma tenue du stylo (je suis un gaucher inversé, donc je tiens le stylo comme un fer à repasser pour manchots), je faisais plutôt partie de ceux qui pleurent à la fin d'un paragraphe, le stylo ayant fusionné avec leur index et leur majeur.
... Un jour, je retrouverais cette pouf de Martine qui m'a martyrisé en maternelle et imposé de changer de main.
J'aurais un gros projet de fusion ma main/sa tête contre un mur de fil de fer barbelés rouillés à lui proposer, ce jour là, tiens.
En amphi, les cours durent une heure 20. C'est une constante qu'ont bien en tête les étudiants du samedi matin, qui luttent dès 8h47 (le cour commençant à 8h) pour garder un semi-oeil ouvert et ne pas s'endormir bruyamment sur leur table, attendant telle la chèvre de monsieur Seguin l'arrivée de la pause, synonyme de l'odieux café de la machine au même nom de la fac.
... Inutile de vous dire que l'on a déjà assisté à des actes d'ultra violence entre étudiants un samedi matin, devant la machine à café, parce que celui de devant mettait trop de temps à glisser ses pièces de 5 cents dans la fente.
Faut avouer que y'a des provocateurs, aussi.
Bref, le cour dure une heure vingt, disais-je.
... Je vous laisse imaginer mon émoi, lorsque je me rendis compte, aux alentours de 9h07, dès le premier cour de l'année où j'utilisais mon ordinateur flambant neuf (mais à la valeur déjà divisée par 2, sob), que j'avais, dans mon empressement légendaire, peut-être oublié de demander au vendeur de la fnac de me répondre à une question assez existentielle du type « et au fait, il a une batterie qui peut tenir au moins 1h20 ? ».
... Il m'a systématiquement manqué une demi page de notes de cours, pour chaque cours, cette année là.
Et bien évidemment, je passais pour un bargo, chaque fois que je fendais en larme aux alentours de 9h07, 10h47, 12h17 et je vous ferais grâce de l'après midi, cela alors que l'ordinateur venais de me rappeler une nouvelle fois que j'étais décidément un acheteur compulsif, mais peu réfléchi.
Tiens, je crois que j'ai un grain de sable dans l'œil ...