Brune et moi avions prévu de compenser en partie notre Été affreusement studieux par un petit séjour loin de Toulouse , notre choix s'étant arrêté sur un petit hôtel d'Ax les Thermes qui nous avait séduit quelques mois plus tôt , lorsqu'après avoir eu l'idée saugrenue de traverser les Pyrénées latéralement et qu'une dizaine de cols nous avait soulevé le cœur plutôt que l'appétit sexuel , nous avions découvert une jolie chambre boisée avec vue imprenable sur les Pyrénées .
Et avions donc fort logiquement retrouvé instantanément l'appétit sexuel monstre nous caractérisant par ailleurs .
Nota-Bene : Non Brune , pas « en cette lointaine époque » .
« Bon , je prends cette valise , et on décam ... » . Je me glace d'effroi . Un des griffus vient de sortir de la chambre comme s'il avait un Doberman nourri au yaourt aux trousses , une inquiétante expression sur les moustaches de « je me demande tout de même si je viens pas de faire une connerie » .
De toute évidence , pondre un corps visqueux et noirâtre sur ma couverture quelques secondes avant mon départ en était bien une , Léo (nom du chaton coupable , ndrl) .
Et sache bien que si nous n'avions pas été juste au niveau de l'horaire du train , la question de la recette du chaton melba aurait très bien pu être évoquée ...
(...)
Nous descendons du train après 2h de voyage sans histoire , en dehors du fait bien sur que Brune ait frôlé la correctionnelle lorsque son argumentation de « il y'avait trop de monde à la gare pour prendre le billet à temps » avait laissé plutot sceptique le controleur .
C'est incroyablement sceptique , un controleur .
Alors que nous commençons à remonter la rue qui mène au centre d'Ax les Thermes , je m'inquiéte , entre deux bouffées de gasoil lachées par l'un des innombrables poids lourds qui nous frôle toutes les 5 secondes , du fait que la ville me semble incroyablement moins charmante que lors de notre précédent passage .
Mais pourquoi , alors là ?
Je jette un coup d'oeil derrière moi , pour voir si Brune
Anticipons , au cas ou .
« Il me tarde que vrrrraoum l'on se fasse le petit vrrrraoum restau de la dernière vrrrraoum fois , on avait très bien diné vrrrraoum et le cadre était vraiment symp ... » .
Mon sang se glace alors que mes yeux constatent qu' à l'endroit ou se trouvait le charmant petit restau , ne se trouve plus qu'un vide béant aux contours de fins du monde ou de plateau de télévision de Pascal Sevran .
Je priais très fort pour qu'un poids-lourd passe opportunément et cache la vue du désastre à Brune .
Nous continuions notre remontée de la ville , et entre deux vrraoum , mon cerveau ne cessait de me tourmenter (j'ai décidé de le considérer comme une antité propre , vu le nombre de fois ou il m'a fait défaut) en m'envoyant aux moustaches à la figure le cruel constat que revenir à Ax était finalement , sur l'échelle des mauvaises idées , plus proche de ma décision de naguère de me raser les poils que de celle qui m'avait poussé à visiter Port La Nouvelle .
Ce qui n'est pas peu dire , j'en ai encore des frissons quand je passe au large de cette abominable ville . Mais me raser les poils reste quand même la référence absolue , désolé , quoi .
Nous arrivons tout de même à l'hotel , où nous recevons un accueil franchement pas si éloigné de celui qui fut réservé à la Grande Armée lors de l'invasion d'Espagne . Soupirant , je préfère ne pas relever pour ne pas embrumer au gasoil envenimer la situation , et Brune et moi montons enfin les quelques marches qui nous séparent de la chambre qui nous rappellera nos débuts enfiévrés , et ...
« Merde , c'est pas la même chambre ? »
Zut , j'ai pensé à voix haute .
Franchement et pour peu que mes souvenirs soient exacts (demandez à mon cerveau , j'ai décidé de le snober en ce qui me concerne) , je crois que la chambre d'hopital qui était la mienne à la clinique Ambroise Paré était loin d'être si inesthétique en comparaison que la chambre de l'hotel d'Ax qui nous était cette fois proposée .
Et pourtant , le souvenir de l'odeur d'urine du vieux reste étroitement associé au souvenir de cette chambre d'hopital , ce qui n'est pas peu dire .
Ce n'est que lorsque Brune et moi avions cherché la salle de bain , et compris que non , les portes coulissantes contre le mur n'étaient pas décoratives mais planquaient bel et bien d'un coté une cabine de douche , de l'autre une cuvette de WC , que la décision était enfin prise de déserter au plus vite ce Trouville sur Pyrénées .
Concrêtement , nous étions dans le train du retour une heure après notre arrivée , donc .
Les souvenirs , c'est plus ce que c'était .
Où étaient les souvenirs purs? En presque tous se fondent les impressions d'autres époques qui s'y superposent et leur donnent une réalité différente. Il n'y a pas de souvenirs, c'est une autre vie revécue avec une autre personnalité qui résulte pour partie de ces souvenirs eux-mêmes. On n'inverse pas le sens du temps à moins de vivre les yeux fermés, les oreilles sourdes.
Signé : ce niais de Vian .