Bien que je sois probablement l'un des smicards les plus particulièrement dépensiers de son temps, mais cela ne durera pas (pas le fait que je sois dépensier, le fait que je sois smicard), ces dépenses sont rarement à proprement parler de « consommation ».
Du moins, en dehors de mes commandes frénétiques de café qui doivent de par leur seul poids lourdement peser dans l'aspect déficitaire de la balance commerciale de la France.
Désolé.
En effet, je ne dépense que très rarement pour des achats de « biens », comprenez, quelque chose de concret que je puisse stocker sur mes étagères et devant lesquelles je pourrais bomber le torse en disant à mes amis médusés « vous avez vu ? C'est du Louis XV ! »
... Vu que l'on me ferait passer une casserole Ikéa en papier maché pour une oeuvre d'art du 17ème, ce n'est pas plus mal, dans le fond.
Pour ce qui est des habits, et au risque de me répeter, c'est pareil. Je ne m'achète qu'environ 2 polos par an (toujours trop grands) et 1 jean (toujours trop petit, mais il est toujours difficile d'anticiper avec justesse l'évolution de son tour de ventre), ne me risquant à de réelles dépenses qu'en matière de chaussures, mais c'est surtout du au fait qu'une fois sur deux la première paire que je m'achête se révele être un enfer pour mes pieds exclusivement après que je sois sorti du magasin, un nuage de fumée encore en train de s'échapper de la poche où a été rangée à la va vite ma carte bleue.
Constat toujours désappointant, surtout lorsque vous étiez en train de répondre, limite condescendant, à votre brune qui s'étonnait que vous soyez passé du 45 au 44 « Tsss . Evidemment qu'elles me vont, tu sais, les mecs n'ont aucun problème avec leurs chaussures, eux ! »
Mes pires achats sont systématiquement ceux dont je me vante.
C'en est atterant.
En quelque sorte, je ne suis donc pas ce que l'on nomme un acheteur frénétique, et je suis d'une sagesse au moment d'envisager un achat proche de celle non moins légendaire du Crédit Lyonnais au début des années 90, qui spéculait avec parcimonie sur des valeurs honteusement foireuses.
J'ai énormément de points communs avec le Crédit Lyonnais.
... Il est toutefois un cas de figure, une sorte d'exception au principe, dans lequel, perdant toute retenue, mon portefeuille me brule les doigts au point que j'en éprouve l'impérieuse nécessité d'en laisser couler le liquide sans modération aucune.
Non, décidément, je n'arrive pas à renoncer à mes tournures de phrases pompeuses ...
(...)
Un samedi, il y'a déjà un mois de cela.
Ayant rendu un menu-service à mon padre, qui ne comprenait par pourquoi son ordinateur ressemblait de plus en plus à une otarie tétraplégique, mais en plus lent (en même temps, on ne peut pas en vouloir à quelqu'un qui croit qu'on puisse perdre le lecteur cd-rom sur une disquette de ne pas savoir effacer les fichiers temporaires de Windows de temps à autre), celui-ci souhaitait ardemment me remercier de mon aide, et pour cela, m'amenait à la Fnac.
C'est ainsi que je me retrouvais heureux propriétaire d'un nouveau lecteur de DivX, ce qui me réjouit alors au plus haut point, du moins jusqu'à ce que rentré le soir venu en ma pénate, je ne constate que ce n'était pas mon ancien lecteur qui posait problème, mais plutôt et plus surement ma contrariante tendance, à trop les laisser trainer un peu partout, à faire de mes DVD de très impressionnantes répliques de Caen après le passage des bombardiers des Alliés, en 44.
Une phrase de 5 lignes, Montesquieu voir Descartes n'auraient pas osés.
C'est alors que je tenais le cadeau de mon père de mes mains que le trouble se manifestait. Je me mis non pas à considérer que l'on venait de m'offrir un cadeau à 40 euros , mais que l'on venait de m'accorder le droit de dépenser 40 euros que de toute facon, je n'aurais pas à mettre dans le remplacement futur (et qui ne serait probablement jamais fait, ceci dit au passage) de mon vétuste lecteur de DivX.
Si un jour on m'offre donc une voiture, vous pouvez êtres surs que je dépenserais 15000 euros dans l'heure. CQFD et non madame la banquière, sortez donc votre tête de ce four.
« J'ai 40 euros à dépenser ... 40 euros ... 40 euros ... Gnap , glubs ! », que je me disais, presque étourdi par le devoir impérieux que mon lecteur DivX avait fait naitre en moi.
Le drame ne se fit pas longtemps attendre.
Alors que je pensais naivement pouvoir contrôler mon envie de dépenser au moins jusqu'au moment où assis derrière l'écran de mon boulot, je flamberais mes sous en un billet SNCF que je ne n'utiliserais probablement jamais, je passais devant une boutique qui, la vicieuse, me fait de l'oeil depuis la première cigarette que j'ai fumé devant mon bureau à tuer les dernières secondes me séparant du premier appel du type « L'appareil à oxygene de mon père doit mal marcher, il est tout bleu. Mon père. »
C'est une boutique de voitures/trains miniatures.
Et depuis 3 ans, je passe devant, mes yeux lechant la vitrine avec la même volupté que ne le font les yeux d'un habitant de Neuilly avec la vitrine du Hédiard de Passy, salivant à l'extrême sur la voiture miniature de mon pilote de formule 1 favori, ce dont je suis désolé pour lui parce que depuis que je le soutient, il accumule les infortunes les plus diverses et variées.
C'est bien simple, la seule course qu'il ait jamais gagnée s'est produite le jour où j'avais décidé de ne pas regarder le Grand-Prix.
(...)
« Bonjour, j'aurais une demande un peu farfelue à vous soumettre . »
Ne sont pas nombreux les commercants a pouvoir témoigner avoir entendu un client s'exprimer en pareils termes.
Ils sont essentiellement regroupés à Toulouse.
« Vous avez en vitrine une miniature de Formule 1 sur laquelle je louche depuis 3 ans. C'est la voiture de Jenson Button, et je doute qu'il y'ait le moindre imbécile dans Toulouse autre que moi pour s'y intéresser. Je vous l'achète, mais à 40 euros. Ca vous va ? »
C'est une chance que les vendeurs de boutiques miniatures n'aient pas un bouton « Appel urgent hopital psychiatrique » sous le comptoir.
« Mais ... elle est proposée à combien, là ?
- Euh ... 70 euros. »
Le vendeur lance un regard amusé à son collègue, qui a tant ouvrir la bouche risque d'avaler un éléphant, pour peu que ces derniers ne volent dans le ciel Toulousain, evidemment.
« Vous savez quoi ? Je vous la vends à ce prix si vous êtes capable de me dire de quelle année elle date. » me répond t-il, visiblement persuadé de m'avoir renvoyé dans les cordes.
Le naïf.
« Pas de problème. Il y'a le numéro 3 sur sa carrosserie, donc cela signifie que l'année précédente avait été une très bonne saison pour son écurie. La seule année ayant été bonne pour son écurie étant 2004, la miniature est celle de la formule 1 ayant courue pour la saison 2005. »
(...)
3 heures après, la formule 1 cru 2005 de Jenson Button tronait sur mon étagère.
Et 5 minutes plus tard encore, j'étais en train de manier dangereusement la super glue, l'aileron de la voiture ayant mal supporté la chute du Code Civil posé en équilibre à coté de la voiture ...