C'est fou comme les choses peuvent changer en quelques années. Lorsque j'étais un brillant étudiant en droit (brillant, par ma capacité à me faire remarquer par les profs. En mal), j'avais cette faculté à sortir 5 soirs par semaine, malgré des études qui me prenaient 5h 30h par semaines et des jobs alimentaires qui m'en prenaient 25 de plus. En gros, j'estimais que vu le temps que je passais à faire des trucs barbants (grosso modo, travailler), je méritais bien de sortir un peu pour me détendre et justifier ce labeur acharné.
Le fait que je recherchais également la fille qui supporterait mon tempérament de gaffeur invétéré/tête en l'air y étant aussi pour un peu. Beaucoup.
A cette époque pas si lointaine et celui qui dit le contraire se prend mon poing dans la tronche, j'affichais sans aide aucune de café et autre guronzan qui me font faire des bonds de lapin dès potron-minet (miaow) et tenir une forme éblouissante, et bien que couché la veille avec 3g d'alcool par demi-litre de sang à 6h du matin, j'étais debout comme de juste dès 8h 9h30 pour le premier (ou presque) cour du matin.
Et comme de juste, dès 9h35, j'émettais un ronflement particulièrement sonore en plein amphi.
C'est vachement mal isolé, ces endroits là.
(…)
Entouré d'amis ayant la vexante habitude de prolonger leurs études au delà de toute décence, je me suis vite retrouvé en « décalage » (pour la lisibilité de cette phrase, j'ai du opter pour ce mot pour résumer la notion plus compliquée de bordel de merde je tiens plus la route passé 2h du mat) avec les dits-amis, capables enfin d'aligner des soirées ralongées quand après des années à les supplier tous les soirs à sortir avec moi, j'ai décidé de me ranger enfin un peu, surtout après que mon médecin m'ait indiqué que la crise cardiaque arrivait aussi au moins de 30 ans.
Probablement la seule profession dont on aimerait parfois un peu plus de langue de bois.
Effectivement, et les jeunes actifs vantés par les publicités pour Banques vous le confirmeront quand ils auront fini de sourire niaisement sur une affiche alors qu'ils viennent de s'endetter pour 25 ans pour un taudis à La Garenne sous bosquet sur Isère et y'a pas de quoi rire, dès lors que l'on commence à travailler sérieusement (sous entendu, sans ronfler dès 9h35 sur son clavier), on se retrouve assez rapidement pris d'une étrange panique quand sonnent les 1h du mat pétantes : oui, après des années à crier à tue tête en boite « ah ah ah, on aura qu'une heure pour dormir avant d'aller en cours ! Quoi ? Dormir ? Je rigole, on dormira pas ah ah ah », eh ben, on devient ses mornes et sinistres personnages qui calculent le temps de sommeil restant pour décuver chaque gramme d'alcool ingurgité et pouvoir prendre la douche réparatrice du matin, le jet d'eau dans la tronche pour se déciller les yeux.
Riez, étudiants qui lirez cette sombre prose : vous y viendrez vous aussi. Ah ah ah.
Ainsi, quand vos amis qui se la jouent Tanguy et qui continuent à étudier le moyen de retarder le plus moment d'arriver sur le marché du chomage en ingurgitant du Red-Bull light pour pas grossir mais noyé dans de la vodka frelatée vendue 180€ la bouteille dans une boite sans intérêt de Chatelet-Les Halles, vous êtes vite rattrapé par un Théorème que Pythagore me jalouserait s'il en avait la possibilité : distance de votre domicile – temps de sommeil théorique restant + fréquence des soupirs lassés de ma copine = je rentre chez moi, de toute façon la soirée n'a pas l'air d'être si drôle.
Et pour le lendemain, pas besoin de théorème, y'a une formule unique qui veut que 1° tu apprends que les autres ont passés une soirée folle dès que tu es parti 2° tu lances un regard noir de l'autre coté du lit d'ou surgit de temps à autre un ronflement sonore.
Quand ce n'est pas un pet.
Ce n'est pas pour rien que les histoires pour enfant s'arrêtent à « ils vécurent heureux » sans plus de détail.
(…)
Cependant, et si vous avez bien lu mon théorème foireux ci-dessus, il est une circonstance dans le monde où la complicité d'un crime est préférable à la vertue, et autrement dit quand j'arrête de caser du Sade pour faire cultivé -vainement-, il existe un cas où la vigueur de la jeunesse ne conduit pas à se coucher péniblement à 1h du matin quand les autres tombent sur le sosie de Bernard Minet dans la soirée : quand t'es loin de chez toi.
Loin des bases, loin du sommeil ! La difficulté pour atteindre son petit lit douillet quand il n'est pas envahi par 2 chats qui jouent à s'y positionner comme sur une grille de Morpion (je viens de comprendre l'origine de mes mals de dos : on dort très mal en Z) fait que l'on oublie ce lancinant besoin de sommeil que procure la vie active, et qu'on en redevient l'ado attardé qui se couchait à des heures au delà du raisonnable.
Et qui font qu'à un rendez-vous important le lendemain, on descendra coup sur coup 3 bouteilles d'Evian en 3 secondes devant son sérieux et médusé interlocuteur.
C'est un plaisir quasi jouissif, cela d'autant que l'on a coeur de prouver à ses potes qui vous ont trop vu rentrer lors de leurs visites dans votre ville à des heures ridicules que l'on a pas tant perdu de sa superbe.
Ce sont des moments glorieux, de hauts faits d'arme, mais il est important de ne jamais oublier de la part de ceux qui subissent ces invasions d'amis exubérants qu'il ne s'agit ni moins qu'une offensive des Ardennes, soit pas mal d'esbrouffe mais pas grand chose derrière pour assurer le roll back : l'arrivée des potes qu'on a envahis dans sa propre ville.
Ceci pour dire à mes amis qui croiraient (encore) que s'ils descendent de Paris en pensant que à 2h du matin, je serais encore à crier sur les ponts de la Garonne « non mais sérieux, vous voulez vraiment rentrer ? P'tites bites ! » que je risque de ne pas être aussi fringuant que j'ai pu potentiellement le paraître lors de nos dernières virées Parisiennes.
Sur ce je vous laisse, j'ai une partie de morpion sur le feu avec mes chats.