"Au fait , tu pars quand ?" demanda soudainement ma douce et inquiète maman .
Évidemment . Je pensais avoir noyé le poisson en parlant de l'idiot qui m'appelle a 22H58 pour me dire que ses WC sont bouchés , en parlant de la colloc et de mon abominable canapé que je menaçais de flanquer par la fenêtre si je devais dormir de nuits de plus dessous (j'annonce qu'après le 14 Rue Palaprat , c'est le 9 place Esquirol qu'il vaut mieux prendre au large) , mais je ne pensais pas qu'elle se souvenait que j'avais évoqué l'idée de partir a Barcelone de nuit , soit vers 3H du matin (donc après 1h de sommeil , mais la n'est pas la question) .
"Je pars demain matin en fin de matinée ."
... Il faut savoir ménager les nerfs de l'autorité parentale .
(...)
J’arrivais vers 7h du matin a Barcelone , tout content d‘avoir bien roulé et d‘être une heure trente en avance sur l’heure de rdv planifiée avec Carole . J’ai eut cependant une soudaine impression de mal être quand l’autoroute se divisait en plusieurs déconcertantes voix rapides aux appellations mystifiantes , et que je constatais que le cauchemar de l’embouteillage de la place de la Concorde a Paris quelques années plus tôt risquait fort de laisser la place a un beaucoup plus actualisé .
Et j’étais encore a 20km du centre . A raison de 20 mètres par minutes , j’ai senti que tout n’allait peut être pas aussi simple qu’initialement envisagé .
Question d’habitude , pour un Nico du moins .
Logiquement , j’avais la veille imprimé a mon boulot un plan de Barcelone , me doutant qu’il ne serait peut être pas aussi facile de s’y repérer qu’a Oradour sur Glane (y’a un truc : les Allemands y ont fait un « détour » en 44 , forcément après les problèmes de circulation y étaient réglés .) . Seul hic : j’avais eut cette brillante idée a 22H59 , et j’avais imprimé le plan a la va vite sur Mappy .
Une horreur . Je me suis ruiné mes yeux déjà fatigués par 4h de conduite noctambule a déchiffrer le plan que par un sombre coup du sort l’ordinateur avait déformé , un peu comme s’il avait du l’imprimer en 3 dimensions . Rajoutez a cela la conduite a l’aveuglette dans une Métropole défiant les réseaux routiers de Los Angeles (en exagérant a peine) , et des sueurs froides m’inondant le front a chaque nouvelle bifurcation , et vous obtenez un Nico plutôt a cran en train de hurler dans sa voiture « Mais comment ais je pu oublier que se serait l’heure de pointe ! Mais comment ! » et des Espagnols qui s’empressent de s’éloigner de cette voiture rouge menaçant de réinventer les règles et protagonistes de la corrida .
Lorsque aux alentours de 8h30 je passais devant une station de métro portant le même nom que mon hôtel , je jetais désespérément ma voiture d’un coup de volant honteux et contestable , comme sembla l’indiquer la main serrée et revendicative du conducteur a qui j’avais ainsi coupé la route , dans la première entrée de parking que je trouvais , et sortait de cet enfer roulant les jambes moites et le front flagellant .
Je sais que cela ne se dit pas mais je ne veux pas qu’on m’accuse d’avoir toujours les mêmes expressions .
(...)
Carole ne pouvait pas dormir avec moi le soir venu , mais elle s’excusa de façon si mignonne de ce petit désagrément , en me promettant de venir me rejoindre le lendemain matin a la première heure (7h , relisez mon blog quelques mois plus tôt et vous comprendrez les affres par lesquelles je passe quand je tiens a quelqu’un) .
Et dans ce cas le Nico se met en mode « inconscient on » , et tout a l’envie de faire plaisir a sa douce et jolie copine , lui dit inconsciemment « non , demain c’est moi qui vient te chercher en voiture en bas de chez toi » .
Il m’arrive malheureusement très souvent d’oublier d’éteindre ce très dommageable mode de fonctionnement .
(...)
J’étais réveillé le lendemain noctambule (je ne peux me résoudre a parler de matin pour une heure aussi noire que 7h) par le veilleur de nuit a qui j’avais la veille en rentrant demandé dans un pathétique baragouinage espagnol de me réveiller , me doutant que quelques heures de sommeil me feraient juste pour me réveiller par moi même .
En réveil automatique , Carole ne m’aurait pas vu débarquer avant 15h du matin . Environ .
Tout en tentant de comprendre pourquoi une de mes paupières restait coincée en position fermée , je prenais la direction du parking ou j’avais abandonné la 306 la veille . Et c’est également a ce moment la que j’ai compris que le parking n’était pas du tout un parking public , mais le parking d’un centre commercial qui vu ses tarifs lamentablement prohibitifs doit correspondre a un Fauchon Barcelonais .
A 3 euros de l’heure , je n’ai pas d’autre explication .
Avant de partir , j’avais eu cette fois la prévoyance de regarder mon itinéraire sur une carte , une vraie , et j’eus même la démarche hallucinament intelligente -lorsqu’on sait qu’il s’agit de moi- d’emmener la carte avec moi .
Les filles me rendent moins con , a moins que ce soit les matinées . Faut voir ...
Tout allait bien . Je roulais tranquillement , la circulation était inexistante , j’allais retrouver ma Carole , j’étais content . Bien sur , cette avenue m’avait semblé moins longue sur la carte et il m’avait bien semblé qu’elle avait la forme d’une courbe et non d’une droite rectili...
« Merde , ou je suis la ? »
je décidais de m’arrêter pour contrôler mon itinéraire , mais manque de bol , tout les feux passaient au vert sitôt que je m’en approchais , et une circulation commençant a devenir plutôt dense m’empêchait de faire un arrêt éclair .
Je commençais a respirer moins bien , d’un coup .
Après avoir roulé un quart d’heure dans une direction qui me semblait de toute évidence tout , sauf celle que je voulais originalement prendre (a tout les sens du terme) , je commençais a nouveau a hurler dans ma voiture , a me traiter de « mais quel con ! C’était pas compliqué pourtant ! Une bifurcation en tout et pour tout et tu la rates ! Crétin ! Pauvre naze ! » .
Les passants a qui je demandais mon chemin ont hésité a s’approcher de ma voiture quand je les invectivais ...
L’enfer . Je tournais a droite , a gauche , jamais de façon cohérente ; chaque fois qu’une direction me semblait la bonne , des travaux ou un sens interdit m’en bloquaient l’accès ; la circulation augmentait de plus en plus , j’avais l’impression d’être un bateau naviguant dans une rivière de plus en plus a sec , et je voyais le moment ou je me retrouverais aussi immobilisé par le trafic qu’un sénateur réélu 3 fois a son siège .
Lorsque a 8H30 , exténué , a bout de nerf , sans voix , je tombais dans les bras de Carole qui avait fait le déplacement jusqu’a une place ou j’avais finalement échoué , je m’excusais en ces termes :
« Je suis désolé Carole , avec moi les meilleures intentions aboutissent le plus souvent sur des désastres finis ... » Encore une fois , rien de très nouveau cependant au Nicoland .