Pendant des années , mon père a du se battre pour m’amener chez le coiffeur , usant de ruses déloyales au possible (« Nico , on va faire un tour chez Glubs ? ») pour m’y amener , sachant qu’il devait en trouver un nouveau a chaque fois , le fait de prendre la simple direction d’un déjà écumé suffisant a me faire glapir plus qu’une des demoiselles officiant pour M6 le dimanche soir .
J’avais une voix très aigu , petit .
Vinrent les années collège , ou je fis une crise de shampoingmanie , qui consista très concrètement a me passer les cheveux sous l’eau une demi dizaine de fois par jour , c'est-à-dire chaque fois que je me rendais compte que ma coupe Eddie Mitchell (authentique , mais on ne rie pas) avait repris de toute sa superbe .
Ma mère a failli un certain nombre de fois tourner de l’œil en me voyant sortir en hiver les cheveux plus trempés que les yeux de mon médecin devant mes pneumonies a répétitions .
Le summum fut atteint lorsque dans un de mes (nombreux) moments de folie , je succombais a une mode particulièrement préjudiciable , consistant a se décolorer les cheveux . C’est ainsi que je rentrais un beau jour a la maison , un vague magma argent sur le crâne , suffisant en tout cas pour pousser ma douce maman a dégainer le téléphone de son avocat avec la ferme intention de faire un procès a mon coiffeur pour non assistance a personne en danger .
Si je vous disais qu’une ex s’est étranglée dans son verre en m’apercevant d’une terrasse …
(…)
Lundi .
Cela faisait depuis Juin qu’un coiffeur n’avait pas eu a subir un coup de sang en me voyant pousser sa porte , ayant décidé juste comme ça pour voir de laisser pousser mes cheveux , au cas ou je tiendrais enfin suffisamment longtemps pour me la péter sur une plage en Aout prochain .
Le nombre toujours plus conséquent d’amis a se demander si j’avais mis du gel ou si mes cheveux étaient tout simplement gras me poussant a renoncer très fortement a cette idée .
Aussi , je prenais la direction d’un cybercafé , pour y imprimer une photo de moi avec une tête a peu près potable (les cheveux courts et réveillé , rarissime) , puis me dirigeais vers un coiffeur auquel je suis a peu près fidèle , ce qui est aussi rare qu’un acte de bonne volonté d’un quelconque Kim Jong Il , ayant généralement la méchante habitude de ressortir de ce genre de boutique en me disant « eux , plus jamais . »
Il en va de même avec un certain nombre de boulangeries , épiceries , ou enseignes portant mon prénom pour des raisons aussi bénignes que variées .
Ceux qui rigolent en voyant l’actuelle campagne de Tattinger sont des fidèles lecteurs de mon blog . Trop .
J’arrivais , donc , chez le coiffeur .
« Bonjour , pourriez vous me prendre de suite ? - Euh , vous êtes pressé ? - Non , mais ça fait 2 mois que je change d’avis avant d’avoir passé votre porte , si j’attends plus de 10 minutes , je partirais et il me faudra 2 mois de plus avant d’aller voir un de vos concurrents . - … Installez vous , on va s’occuper de vous de suite . »
Nico , ou l’art de bien se faire comprendre . Et de bien passer pour un fou , aussi .
Je résistais a la tentation de partir en courant quand après m’être regardé dans un miroir , je me trouvais pour la première fois depuis des lustres bien coiffé , et tentais de prendre calmement mon mal en patience , l’esprit tiraillé entre des « Fuis de la , tu vas redevenir Mr tout le monde les cheveux courts ! » et des « Te rends tu comptes qu’un jour tu auras la capillarité de Derrick et que tu regretteras cette auto st Barthélemy des cheveux ? »
L’employée qui venait me passer le peignoir sembla étonnée par mon rythme frénétique de rongement d’ongles .
Beaucoup de personnes adorent le shampoing asséné par un coiffeur , et surtout le massage du crâne qui l’accompagne . En ce qui me concerne , et parce que -probablement- j’aime me distinguer , je me stresse pendant tout le shampoing a chercher une formule diplomatique pour dire que « je vous en supplie , ne me séchez pas les cheveux avec votre appareil qui aspire et qui me fait grincer des dents comme quand ma maîtresse martyrisait mes pauvres tympans avec sa craie » .
Et comme d’habitude , j’en ai été quitte , faute d’avoir trouvé la formule , a me déboîter la mâchoire en tentant de ne pas pleurer pendant que le bourreau faisait son office .
Vint , enfin , le moment de vérité .
« Comment souhaiteriez vous que je vous les coupe ? » , demanda t’elle naïvement . « J’ai imprimé une photo d’une tête que j’avais et qui me débectait pas trop » , répondit il trop explicitement .
Elle s’étrangla .
(…)
Quelques jours plus tard . Nico descend les allées Jean Jaurès , perdu dans ses pensées les plus profondes (comme : comment ais je pu faire 1000 Km en 2 jours ? » , par exemple fortuit) .
Je suis sorti difficilement de ma rêverie lorsque d’un groupe de filles arrivé a ma hauteur , l’une d’elle m’abordait par un très agréable « Excusez moi , mais ma copine étant très timide , elle n’a pas osé vous le dire directement , mais elle vous trouve très beau » .
Cela ne m’était jamais arrivé de ma vie .
J’ai souri . Et leur ai souhaité une bonne soirée , esquivant gentiment leur proposition de les retrouver plus tard dans la soirée .
Et j’ai naturellement passé le reste du chemin du retour a me sourire bêtement dans tout les miroirs se trouvant sur mon chemin …