Durant de longues années, la préparation des vacances de ski posait un insupportable cas de conscience à mes parents , tentant par tout moyen possible et i(ni)maginable - le recours au 49-3 de la constitution a un temps été envisagé - de retarder le moment ou le séjour serait évoqué , sachant pertinemment que le lieu de vacances posé , la première question qui viendrait de mes petites lèvres encore innocentes à l'époque serait "et comment y va t'on ?"
L'infernal gamin ne supportait pas la voiture .
Mes parents ont souvent soupiré d'envie devant The Omen , et l'adorable -comparativement- petit Damien .
(...)
Jeudi. Lendemain de St Valentin.
Je poiraute sur un quai d'une gare Espagnole aux apparences pas forcément si éloignées du mur de l'Atlantique , mais en plus moche .
Il fait froid . Peut-être supporterais je un peu plus ces températures somme toutes clémentes pour un mois de Février , mais un haut le coeur général provoqué par l'apparition des quelques pulls que je me suis moi même acheté (les autres ayant finis comme de juste à la poubelle), j'ai décidé de faire la grêve de la petite laine et de me contenter d'une chemise et petite veste .
Le rythme de mes claquages de dents me fait amèrement réfléchir sur la justesse de ma bouderie .
Une voix baragouine dans un haut parleur grésillonant un charabia espagnolique qui ne ressemble strictement à rien , bien que je doive bien reconnaître ne pas être aidé par la "qualité" des quelques cours que me prodiguèrent les quelques professeurs chargés d'appliquer un programme absurde apprenant aux élèves à analyser la grammaire d'un texte du 17ème siècle sur un poulet refusant de se faire cuire quand les mêmes cours étaient plus avares d'explications pour apprendre aux bambins comment demander son chemin , perdu , par exemple , dans un quartier glauque de Barcelone .
En revanche , dire "el pollo no es accuerdo con el menu del restaurante" , pas de problème .
Le train arrive . Je grimpe dedans avec un empressement coupable , pour m'affaler sur le premier siège venu . J'ai évidemment oublié de m'emporter un bouquin avant de partir , et plutôt que de me résigner à 5h de voyage d'un emmerdement aussi prononcé qu'un discours de politique générale au perchoir de l'assemblée nationale , je ressors le canard enchaîné de la veille , que je n'ai après tout lu que 3 fois à l'aller .
Pas sur que je sois interrogé en Juin sur les petits mots doux que s'échangent les politiques , mais je suis armé pour .
Le train part .
Passé quelques minutes à m'ennuyer prodigieusement , je m'endors .
(...)
"charabia charabia charabia Tour de Carol charabia charabia estacion charabia mueve truc-bizarre Barcelone"
Méchant réveil en sursaut . Des gens descendent du train . Beaucoup d'autres rentrent . Je tente de décoller de sa paupière mon deuxième oeil . Et de calmer mon coeur visiblement parti pour battre au guiness des records les performances d'un moteur de formule 1 , ce qui s'avéra beaucoup plus difficile que ma recherche deux jours plus tôt du financement de ma saint valentin .
La barre était haute , donc .
La sonnerie de fermeture des portes retentit . Je panique . J'essaye d'analyser en un quart de seconde ce que je n'ai pas compris sur le quai de la gare deux heures plus tôt . Et mon oeil enfin décollé remarque le geste d'un des voyageurs descendu sur le quai , extrayant une cartouche de cigarettes de son sac . Une cartouche de cloppes ! Un Français ! Les Français sont descendus du train !
... je manquais de me faire empaler par les portes façon vil guide d'indiana jones alors que je sautais sur le quai .
Et me tordais la cheville , pour l'anecdote .
(...)
Une demi heure plus tard .
Le second train dans lequel j'avais embarqué arrivait a La Tour de Carol , bled paumé ressemblant vaguement a Ouradour sur Glane sans pour autant avoir connu le passage des Allemands , du moins à ma connaissance .
Le Nico , jovial d'être rentré au pays , quoique légèrement boiteux , passe une tête par la porte , et hume joyeusement l'air un peu plus réchauffé que sur le quai de la gare de naguère .
Ce moment paisible dure en tout et pour tout quelques secondes , le temps pour mes yeux enfin opérationnels -ou malheureusement- de lire le panneau d'affichage , mentionnant le départ pour Toulouse dans les 2 minutes à venir passage aux toilettes non compris , ainsi et surtout d'intégrer que le moyen de transport proposé ... est le car .
"Glups" , fit le Nico .
Je consacrais 10 secondes à réfléchir à la route qui m'attendait , tentant tant bien que mal de calmer mon estomac commencant à se révolter par anticipation au moins aussi violemment que mon coeur pour les mauvais traitements subis , analysant le moindre virage qui m'attendait , tournant à une couleur bien blanche chaque fois qu'une courbe bien sentie prenait d'assaut mon esprit déjà bien confus .
C'est long , 10 secondes .
J'ai été malade comme un chacal . La route menant au tunnel de Puymorens n'était pas longue , à peine un quart d'heure en fait , mais je devenais un peu plus vert à chaque minute écoulée , et je commençais à croire que ma dernière heure était venue , lorsque se profilait enfin à l'horizon l'entrée du tunnel .
(...)
Le car , dans un magnifique coup de volant du tortionnaire chauffeur , prit la route de droite .
Celle passant par le col ...