« Idiot ! Sombre Idiot ! Mais quel con ! Mais quel impuissant ! Mais quel abruti ! Ce n’est pas possible , enfin ! Seul , chez une fille , lumière tamisée a 2h … pardon , 3h du matin ! Et rien !
Comme un con , j’ai regardé cette idiotie de série grotesque comme le niais que je suis , sans rien faire , sans rien tenter , « sans » ! Enfin je suis définitivement devenu aussi pitoyable qu’une grenouille passée par les cuisines d’un grand restaurant ou quoi ? »
Ça , c’est moi en train de tirer un bilan de ma soirée …
Bon . Reprenons . Avant d’en arriver a hésiter entre me fracasser le crâne contre un mur d’une petite ruelle sombre ou attendre que le type a la mine patibulaire venant vers moi le fasse a ma place au cas ou il apprécierait mal que je ne lui donne pas le petit euro symbolique que je trouvais la volonté de lui refuser (j’ai toujours rêvé d’avoir une mort digne de figurer en tête d’un journal , « mort pour un euro » étant tout a fait a ma convenance …) , j’avais passé la soirée avec une amie connue a la fac .
J’aime beaucoup cette fille comme amie (si ! si !) , je n’ai en général jamais d’idée déplacée en sa compagnie (cas de figure aussi rarissime que la modestie chez un kéké , par exemple) , bref , je suis innocent de tout crime dont on puisse vouloir m’inculper comme le disait le regretté Louis XVI , qui au passage aurait eut moins d’emmerdes s’il avait plaqué son job pour bosser chez Abatis .
C’était une remarque personnelle .
Simplement , sans doute l’influence des histoires des uns et des autres ou le fait que dans mon effroyable crédulité j’en vienne a croire que ce qui se passe dans les films américains soit réaliste (« tu montes prendre un verre » ne veut absolument pas dire en France -jusqu'à preuve du contraire- « j’ai envie de toi grand fou » , a mon grand regret) , je m’en suis voulu d’avoir même pas esquissé la moindre velléité , disons -par exemple bien sur- d’ordre sexuelle .
Après avoir racketté le boulanger de garde de la place Jeanne d’Arc d’une cigarette sur laquelle je tirais rageusement en me maudissant d’avoir offert mon avant dernière cloppe a un ami qui l’a prise quasi a contrecoeur , je tentais de trouver un moyen de me convaincre de ne pas me castrer définitivement , tentant de comprendre comment j’avais eu un certain nombre de fois le culot de oser et un incroyable certain nombre d’autres fois eut l’absence d’une once de prétention de virilité .
J’était ainsi perdu dans mes réflexions quand j’apercevais en bas de chez moi une camionnette rouge , mon instinct surentraîné me faisant deviner avant que se soit humainement possible de le voir qu’il s’agissait de pompiers . Sans doute un peu précipitamment , je réfléchissais déjà a la meilleure manière d’annoncer a mon père un retour honteux a Jean Jaurès (« tu vas rigoler , mon appart a brûlé ! Ça rime en plus ! ») .
Constatant l’absence de fumée a la hauteur de mon appartement , je déduisais dans un premier temps que ce ne serait pas pour cette fois que j’aurais l’immense plaisir de faire jouer mon assurance incendies , et dans un second temps considérait l’œil noircit de la fille qu’entouraient les types du samu et qui tentaient de lui faire comprendre « que ce n’était de toute façon pas un mec bien pour elle dans ses conditions » …
C’est le genre de petits trucs qui font relativiser vos propres pitoyables échecs personnels .