Le premier qui fait « pom pom pom » en commentaire , je le plombe (ou lui envoie les mémoires de Pascal Sevran , au choix) ...
Mardi 13.
Après deux bonnes heures à voler de métro en RER, je débarque enfin dans une de ces innombrables banlieues qui bordent Paris, et qui lorsqu'on les voit font nourrir des envies aussi folles -pour un Nicolas élevé au centre ville et aux bouffées de gasoil- que celles qui consistent à fantasmer sur la campagne.
Non, parce que bon, y'a un moment donné ou trop de béton tue le béton, quoi.
Quelques minutes plus tard, me voilà à l'entrée d'un tribunal, quoique l'apparence extérieure puisse suggérer que je me trouve sur le lieu de tournage d'un film d'horreur pour claustrophobes nommé « Cube », sentiment renforcé par le nombre de gens aux allures vaguement psychopathes qui errent à son entrée.
Et toujours ce goût prononcé pour le béton armé made in années 50.
J'en viendrais presque à adopter une vache à mon retour à Toulouse, tiens.
Passé des contrôles de sécurité aussi drastiques qu'à l'entrée d'un charter à destination de la Corée du Nord, je tente de m'orienter dans un dédale de couloirs bizarres quand mon téléphone sonne.
« Allo Nico ? C'est moi (Brune, vous pensez bien, tiens), je suis dans la voiture avec Mat et Caro.
- Parfait, vous arrivez dans combien de temps à l'aéroport de Rodez ?
- Euh ... Mat a pris par erreur l'autoroute de Narbonne, et ... »
Pour permettre une meilleure compréhension du récit, voici une illustration permettant d'appréhender toute la portée humoristique de cette dernière réplique.
Projo, Robert !
... Grâce à cette illustration remarquablement bien faite en Digicolor 65bits, vous avez bien compris que chopper un avion à Rodez était relativement compromis pour les passagers d'une 306 Rouge, ce mardi matin là.
Et pour une fois, j'y étais pour rien.
Si, si.
Je raccroche, légèrement énervé, mais je suis un professionnel (ou presque) et je reste concentré sur mon boulot à venir.
... Mais tout de même et au cas où, je ressors m'isoler discrêtement pour taper rageusement sans raison apparente sur une bête poubelle qui avait le tord de se trouver là.
Lache, mais ca défoule.
Après avoir repassé le contrôle de sécurité (qui dure une plombe, vu que je voyage aussi léger qu'un régiment de majorettes. Je n'aime pas les majorettes. C'est con une majorette. Mais je m'égare ...), je me dirige vers la salle d'audience. Je cherche des yeux la greffière. Ah ? Une femme ayant la coiffure de De Funès et des lunettes de scientifique miro ? Je me dirige vers elle d'un pas assuré.
... Je ne risque rien : je ne crois pas avoir de greffière dans mon lectorat.
Du moins, il vaudrait mieux, en fait.
« Bonjour, je viens en représentation de la société Ducran-Lapoigne ... »
Franquin, tu resteras à vie une source d'inspiration inépuisable.
« Ducrannn-Lapoooigne-uh ... C'est bizarre, je ne vois pas l'affaire, vous êtes sur de ne pas vous être trompé de Tribunal ? »
... Je comprends soudainement que les contrôles de sécurité à l'aéroport sont plus surement mis en place pour la préservation de la bonne santé des greffières que pour d'hypothétiques détournements d'avion ...
Mais je tente tout de même de garder un semblant de calme.
« Hum . Allons, vous êtes bien sure ?
- Oui mais ... ah, attendez ... société Ducran Lapoigne vous me dites ?
- Oui ... » réponds le Nico aux soudains yeux de chat potté.
- « C'est bon, je vois votre affaire ... »
Ma main qui ainsi discrêtement crispée sur ma jambe faisait office de garrot se décrispe enfin.
« ... Par contre, l'avocat de la partie adverse a oublié d'inscrire l'affaire. »
Hum.
« ... Ce qui signifie que je ne peux pas vous dire si l'affaire sera jugée ou non dans la matinée. »
Mon ventre gargouille, me rappelant cette amusante réflexion que je m'étais faite dans ma tête quand, nonobstant les toilettes du tribunal quelques minutes plus tôt au vague prétexte que j'avais aperçu un essaim de mouches s'en echapper en même temps qu'un individu en sortait, je m'étais dit « bah, ca pourra bien attendre quelques minutes ... »
J'ai envie d'étrangler un avocat.
Enfin, plus que d'habitude, disons.
Je ressors de la salle, l'oeil tellement injecté de sang que ma vue en devient proche de celle du lapin qui espionne Lhermitte et Anémone lors de leurs ébats aquatiques du père Noël est une ordure.
Mon téléphone sonne.
« Nico, nous sommes arrivés à Rodez à temps ... »
Enfin une bonne nouvelle. Mes yeux blanchissent un peu, au risque de me faire passer maintenant pour le Juge Demort lorsqu'il prend cette petite voix qui me rappelle ma tendre enfance, et ses cours de musique ou je me suis ridiculisé à fredonner l'air de la petite maison dans la prairie.
« Par contre, Caro n'a pas pu passer la douane avec sa carte d'identité périmée ... c'est pas grave, on prend le taxi puis le train et on te rejoins à Paris. J'ai acheté un billet pour partir de Beauvais avec toi ...
- Le train ? Paris ? Beauvais ? Mais tu as payé combien pour tout ça ???
- Ah , je passe sous un tun *Ding, les passagers pour l'avion R4459 sont priés de se présenter à l'embarquement !* nel ...
- Brune ! Brune ! Tu as payé comb tut-tut-tut ... »
Mon téléphone vient de virer aussi sombre que le compte bancaire d'une brune après des achats de billets intempestifs. Je ne pourrais pas joindre l'abruti d'avocat qui me retiens de par son absence prisonnier d'une ville de béton armé. Mon ventre émet un nouveau gargouillement inquiétant.
Vie de merde.
(Suite et fin demain ...)