15 avril 2008
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Ce texte est à prendre au 9397ème degré.
... Donc, oui, un degré de plus que les posts de d’habitude, vous avez bien noté.
J’étais à mon bureau, vaquant à mes occupations (empêcher une monstrueuse pile de dossiers se la jouant tour de Pise de s’effondrer sur mon ordinateur), lorsqu’il est arrivé. Il ? Mon nouveau boss, ou presque : lorsque l’on est en stage, il n’y a pas d’incompatibilité entre ne pas savoir qualifier le rapport hiérarchique établi entre vous et le boss, et avoir un pied dans la boite tout en étant à 2 doigts de pointer à l’Anpe.
Les deux se complètent.
… Et ce n’est pas pour autant qu’il faut interpeller le boss par un « eh, demi-chef ! », la perspective de devoir très vite aller consulter les annonces proposant un poste d’assistant de pousseur de caddie se faisant immanquablement et dès lors certaine.
Ce qui serait con pour une histoire de détail linguistique, tout de même.
« Nicolas, tu peux venir un instant, s’il te plait ? »
Le statut de stagiaire offre un nombre particulièrement conséquent de joies et d’angoisses à celui qui l’occupe ; parmi les joies, aucune nourrit autant l’orgueil que lorsque le boss (gare à la sémantique, j’ai dit !) vous nomme par votre prénom : jeter un coup d’œil narquois à l’autre stagiaire, l’air « eh t’as vu, il connait mon prénom ! Le cdi, pour moi, c’est pour bientôt ! Bon, c’est pas tout ca, mais, machin, tu vas nous le faire ce café maintenant ? » est un plaisir qui ne le discute qu’à l’activité consistant à vérifier la tiédeur d’un oreiller par une belle après midi du mois d’Aout.
Parmi les sombres angoisses qui ont poussé au suicide plus d’un stagiaire tourmenté, il y’a le moment où passé la porte vous masquant à la vue de l’autre stagiaire, vous vous poseriez soudainement la question « mais au fait, pourquoi voulait-il me voir ? »
C’est un sale moment.
Au moins aussi horrible que celui qui consiste à préparer le café après avoir été nargué par un autre stagiaire.
« Bien, Nicolas …
(Bon dieu, il a vu. J’en suis sur, j’ai pas du être assez rapide, et il a aperçu la montagne de courrier en retard que je tentais de planquer sous le pc !)
« Il faudrait que …
(J’ai du merder quelque part. Mais ou ? Et puis peut-on m’en vouloir d’avoir préparé un mauvais café après avoir été appelé par le prénom du stagiaire qui a pris la porte 2 mois auparavant ?)
« l’on voit ce manuel que tu nous as préparé. »
Ah ! Bon.
J’arrête provisoirement de me préparer un petit ulcère pour le jour de mes 30 ans, alors.
« Le manuel ? Bien sur, donc voilà, il est ici … tiens, je te laisse jeter un coup d’œil
- Ok »
Le boss se met à regarder le fameux manuel. Absorbé qu’il l’est, je peux entreprendre discrètement de me ronger les ongles qu’il me reste encore, dubitatif que je suis sur la pertinence de la part d'un stagiaire d’autoriser un boss à « jeter un coup d’œil ».
Ca a donné ca dans ma tête :
« Tu peux jeter un coup d’œil ? Mais ou as-tu vu qu’on parle comme ca à un boss, crétin ? Cette fois c’est sur, je vais me la manger, la porte ! »
... 1 Mois de stage et je suis aussi angoissé pour mon (très) potentiel futur emploi qu’un employé de Kebab après le passage de inspecteurs de l’hygiène et d’une équipe de Capital.
Je regarde le boss étudier mon travail.
Et comme tous les stagiaires voyant celui qui peut décider de les embaucher observer ce qu’ils ont fait jusque là :
Je me mets à dire n’importe quoi.
« Oui, donc là le début, c’est pas du tout la meilleure partie de ce que j’ai fait ! Mais la suite… oui mais non, celle là je l’ai fait en brouillon mais je peux la changer… ah ca, par contre c’est un passage qu’on peut sans problème améliorer … euh ca, c’est du blabla, c’est fou que j’ai pas pensé à virer ca ! »
Et le plus cruel dans tout ca, c’est qu’il n’avait toujours rien dit sur mon travail.
Si je vous disais que je ne suis même pas sur qu’il m’ait entendu dans mon délire auto-critique …
Enfin, il prend sa respiration. Il va parler. Je vais savoir.
Surtout ne pas pleurer, tant pis si cela fait mal, je saurais bien expliquer à mes futurs enfants qu’ils ont des parents de 60 ans quand ils n’en ont que 20 parce que papa n’a pas été foutu de concevoir un manuel à l’âge de 24 ans.
Je crois que je suis au bord du délire le plus complet, là.
En plein dedans ? Ah, bon.
« Bon, c’est parfait sur le fond, c’est bourré d’idées, bien rédigé et sans faute d’orthographe… »
Serre les dents, Nico, le lourd arrive ...
Non parce que bon, je les connais moi les critiques qui commencent trompeusement par du Cajoline !
« … cependant, y’aurait, comment dire … des formules un peu trop littéraires. Oui, disons que c’est un peu biaisé et les temps sont un peu sophistiqués… ah ah, regarde là ! On se croirait en plein dans les Lettres Persanes de Montesquieu ! »
(…)
3 ans à raconter des inepties délirantes sur le net et je ne sais plus écrire simplement.
… Je veux mon avocat : mes parents ont décidément raté un chapitre au moment de ma procréation.
... Donc, oui, un degré de plus que les posts de d’habitude, vous avez bien noté.
J’étais à mon bureau, vaquant à mes occupations (empêcher une monstrueuse pile de dossiers se la jouant tour de Pise de s’effondrer sur mon ordinateur), lorsqu’il est arrivé. Il ? Mon nouveau boss, ou presque : lorsque l’on est en stage, il n’y a pas d’incompatibilité entre ne pas savoir qualifier le rapport hiérarchique établi entre vous et le boss, et avoir un pied dans la boite tout en étant à 2 doigts de pointer à l’Anpe.
Les deux se complètent.
… Et ce n’est pas pour autant qu’il faut interpeller le boss par un « eh, demi-chef ! », la perspective de devoir très vite aller consulter les annonces proposant un poste d’assistant de pousseur de caddie se faisant immanquablement et dès lors certaine.
Ce qui serait con pour une histoire de détail linguistique, tout de même.
« Nicolas, tu peux venir un instant, s’il te plait ? »
Le statut de stagiaire offre un nombre particulièrement conséquent de joies et d’angoisses à celui qui l’occupe ; parmi les joies, aucune nourrit autant l’orgueil que lorsque le boss (gare à la sémantique, j’ai dit !) vous nomme par votre prénom : jeter un coup d’œil narquois à l’autre stagiaire, l’air « eh t’as vu, il connait mon prénom ! Le cdi, pour moi, c’est pour bientôt ! Bon, c’est pas tout ca, mais, machin, tu vas nous le faire ce café maintenant ? » est un plaisir qui ne le discute qu’à l’activité consistant à vérifier la tiédeur d’un oreiller par une belle après midi du mois d’Aout.
Parmi les sombres angoisses qui ont poussé au suicide plus d’un stagiaire tourmenté, il y’a le moment où passé la porte vous masquant à la vue de l’autre stagiaire, vous vous poseriez soudainement la question « mais au fait, pourquoi voulait-il me voir ? »
C’est un sale moment.
Au moins aussi horrible que celui qui consiste à préparer le café après avoir été nargué par un autre stagiaire.
« Bien, Nicolas …
(Bon dieu, il a vu. J’en suis sur, j’ai pas du être assez rapide, et il a aperçu la montagne de courrier en retard que je tentais de planquer sous le pc !)
« Il faudrait que …
(J’ai du merder quelque part. Mais ou ? Et puis peut-on m’en vouloir d’avoir préparé un mauvais café après avoir été appelé par le prénom du stagiaire qui a pris la porte 2 mois auparavant ?)
« l’on voit ce manuel que tu nous as préparé. »
Ah ! Bon.
J’arrête provisoirement de me préparer un petit ulcère pour le jour de mes 30 ans, alors.
« Le manuel ? Bien sur, donc voilà, il est ici … tiens, je te laisse jeter un coup d’œil
- Ok »
Le boss se met à regarder le fameux manuel. Absorbé qu’il l’est, je peux entreprendre discrètement de me ronger les ongles qu’il me reste encore, dubitatif que je suis sur la pertinence de la part d'un stagiaire d’autoriser un boss à « jeter un coup d’œil ».
Ca a donné ca dans ma tête :
« Tu peux jeter un coup d’œil ? Mais ou as-tu vu qu’on parle comme ca à un boss, crétin ? Cette fois c’est sur, je vais me la manger, la porte ! »
... 1 Mois de stage et je suis aussi angoissé pour mon (très) potentiel futur emploi qu’un employé de Kebab après le passage de inspecteurs de l’hygiène et d’une équipe de Capital.
Je regarde le boss étudier mon travail.
Et comme tous les stagiaires voyant celui qui peut décider de les embaucher observer ce qu’ils ont fait jusque là :
Je me mets à dire n’importe quoi.
« Oui, donc là le début, c’est pas du tout la meilleure partie de ce que j’ai fait ! Mais la suite… oui mais non, celle là je l’ai fait en brouillon mais je peux la changer… ah ca, par contre c’est un passage qu’on peut sans problème améliorer … euh ca, c’est du blabla, c’est fou que j’ai pas pensé à virer ca ! »
Et le plus cruel dans tout ca, c’est qu’il n’avait toujours rien dit sur mon travail.
Si je vous disais que je ne suis même pas sur qu’il m’ait entendu dans mon délire auto-critique …
Enfin, il prend sa respiration. Il va parler. Je vais savoir.
Surtout ne pas pleurer, tant pis si cela fait mal, je saurais bien expliquer à mes futurs enfants qu’ils ont des parents de 60 ans quand ils n’en ont que 20 parce que papa n’a pas été foutu de concevoir un manuel à l’âge de 24 ans.
Je crois que je suis au bord du délire le plus complet, là.
En plein dedans ? Ah, bon.
« Bon, c’est parfait sur le fond, c’est bourré d’idées, bien rédigé et sans faute d’orthographe… »
Serre les dents, Nico, le lourd arrive ...
Non parce que bon, je les connais moi les critiques qui commencent trompeusement par du Cajoline !
« … cependant, y’aurait, comment dire … des formules un peu trop littéraires. Oui, disons que c’est un peu biaisé et les temps sont un peu sophistiqués… ah ah, regarde là ! On se croirait en plein dans les Lettres Persanes de Montesquieu ! »
(…)
3 ans à raconter des inepties délirantes sur le net et je ne sais plus écrire simplement.
… Je veux mon avocat : mes parents ont décidément raté un chapitre au moment de ma procréation.