Lundi matin .
La place Esquirol vaque à ses occupations . Les employés de « la mie câline » (dire qu’il existe des écoles de marketing , tout de même) poursuivent l’intoxication de la ville à grande échelle avec leurs odeurs chimiques plus proches de celle du zombie en décomposition avancée que de l’odeur d’une baguette , fut elle industrielle ; le roumain d’en bas continue à marcher sur les genoux , ignorant probablement que c’était les bras qui manquaient à la Vénus de Milo mais on ne peut pas tout savoir ; les distributrices de journaux gratuits échafaudent de pervers traquenards pour quadriller la place , ne laissant aucune chance au moindre pauvre patient d’éviter l’ingurgitation massive de pub entrecoupée , ça et la , de brèves AFP .
Tout ce petit monde se glace de terreur lorsqu’un cri rugueux , sortant d’une fenêtre d’un immeuble en apparence anodin , déchire la quiétude qui régnait jusqu'alors sur la voie publique .
« He’s Alive ! Alive ! »
Dr Frankenick venait de retrouver son cerveau .
Mais revenons un peu en arrière .
(…)
Une semaine plus tôt .
L’impossible n’est plus Nicolien : je me suis réveillé avant que mon réveil n’émette timididement , averti qu’il l’est par ses (nombreux) prédécesseurs , un murmure de son destiné à me sortir de mon coma cerébral .
Sin city a honteusement piraté mon adage « un réveil meurt , un Nico s’éveille , c’est dans l’ordre naturel des choses . »
Je prenais la direction de l’école de journalisme , à laquelle j’avais la prétention de concourir pour tenter d’oublier que je n’aurais jamais l’occasion d’arriver en rollers à un tribunal , et pour montrer à mes insoutenables diplomés d’amis que moi aussi , nom d’une pipe , je peux prétendre à de sérieuses études .
Et onéreuses , mais là n’est pas la question .
L’apogée de cette glorieuse épopée ayant été le moment où après avoir livré un sérieux réquisitoire contre les quotidiens gratuits , l’examinatrice de mon entretien de motivation me présentait l’homme resté silencieux depuis le début a coté d’elle comme , je cite , le « directeur de la publication de 20 minutes » .
C’était une blague de sa part , mais n’empêche que jamais ma carte d’identité annoncant 1m75 n’avait été aussi mensongère qu’à ce moment la .
Arrivé au terme de mon execution concours , je pouvais dès lors et fort logiquement décompresser , souffler , bref , tenter d’amorcer un retour à une tension plus proche de celle d’un ministre d’Etat menacé dans sa circonscription que celle d’un cable électrique destiné à décourager un T-rex à Jurassic Park .
C’était sans doute fixer la barre un peu haut .
Quelques violentes engueulades avec Brune allaient donner une réplique convaincante au Big Bang qui vit la naissance de notre système solaire il y’a quelques temps de cela , colères noires qui m’amenèrent à ruminer qu’après tout , on peut très bien vivre avec un ulcère et des nerfs grillés plus efficacement qu’au four à micro-ondes .
C’est bien simple : j’ai noté un réchauffement de l’eau thermale de Calicéo au moment ou nous nous y sommes plongés pour noyer notre discorde .
Comme de juste , la semaine fut essentiellement marquée par la cruelle absence de mon petit ordinouillet à moi , mon portable adoré , disparu sans laisser d’adresse , sans doute enlevé par un ancien membre des Farcs désireux d’apporter de quoi distraire cette nouille de Bétancourt . Le courrier recu jeudi portant la mention objet trouvés fut source d’une joie aussi vive que passagère , tel un vulgaire Juppé : seul mon portefeuille a été retrouvé par le personnel de Tisséo .
Mon voleur aura t’il été dégouté par le vide effarant caractérisant l’emplacement prévu pour les billets ?
Ais je une nouvelle fois été victime de ma légendaire étourderie ?
Toutes les options restent ouvertes .
Surtout celle qui m’innocente , de préférence .
Pour rajouter à mes nombreuses causes de stress , ma collocation s’achève . Clément est parti vérifier que l’herbe n’est pas plus verte en Inde (un séjour de 3 mois , si le temps le permet ou que Europe assistance n’a pas du le rapatrier en plusieurs petit colis avant) , et Antoine , passablement dégouté de vivre dans un appartement sans frigo , fait chuter les statistiques de participation aux élections Esquiroliennes .
Oui , précision utile : Clément est parti avec le frigo .
Pour citer Lebrac après que Gaston ait « arrangé » le frigo acheté par Prunelle :
« Le coca bouillant , c’est moche . »
Ce à quoi je rajouterais : la mozzarella , le lait , la crème fraiche , le rosé , les bierres , le beurre …
(…)
Dimanche soir .
Mon voleur a t’il trouvé mon ordinateur trop lent , et jugé utile d’accroitre les capacités de son processeur en y greffant mon cerveau ? Une douleur monstrueuse s’est amplifiée tout au long de la semaine dans ma tête , au point qu’en ce soir de fin de semaine , j’ai une furieuse envie de réclamer la grâce de William Wallace , contre la promesse qu’on me décapitera à sa place .
Tout anachromisme mis à part , bien entendu .
Une leucémie fulgurante ? Une double tumeur gratinée ? Ma tête s’est elle transformée en Kebab avec sauce ketchup mayonnaise s’il vous plait ? Toujours est il que ce samedi , je me sentais dans un état peu conforme avec ma bonne humeur habituelle , à mon grand dam d’ailleurs .
Brune allait apporter la solution .
« Nico , tu t’es fait voler ton ordi et la ou je me serais lamenté pendant 3 mois , tu as tout pris sur toi . Tes collocs se barrent en te laissant le soin de l'état des lieux tout en embarquant le frigo , tu as eu de grosses emmerdes de tunes , on s’est engueulés quand tu avais besoin de réconfort et tu aides tout le monde sauf toi même . Ah , et tu as oublié un code secret que tu tapes 5 fois par semaines depuis 2 ans , et tu focalises la dessus . Je pense des lors que tu n’es que stressé … »
Diagnostic osé , quand même .