3 mai 2007
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Octobre 2004 .
Il y’a des fois comme ça , ou j’accuse une baisse de moral assez violente , somme toute pour des raisons assez injustifiées . C’est vrai : après tout , il n’y avait pas de quoi fouetter un chat que je me sois fait larguer par ma mexicaine , que je me sois ramassé en beauté à la fac , et que la boite pour laquelle j’avais postulé m’avait trouvé trop nerveux pour m’embaucher .
Moi ? Nerveux ? Tsss .
Comme si c’était le genre d’un Nico .
C’est ainsi que je me retrouvais dans l’expresse nécessité de devoir évacuer mes sombres ruminations , aussi enclin à la bonne humeur que ce bon vieux Louis XVI cherchant le sommeil le 12 Janvier 1793 .
Si seulement il avait pu écouter « Over My Shoulder » avant de s’endormir , la guillotine le lendemain ne lui aurait semblée que plus douce .
Dans ce genre de situation , j’ai toujours trouvé refuge auprès de la Garonne , cette bonne vieille pote toujours prête à écouter mes élucubrations vociférantes , quelles soient fondées (« Pourquoi n’ais je pas essayé mes chaussures avant de les acheter , j’aurais vu au moins que ses saloperies s’illuminent à chaque pas ! ») ou plus contestables (« D’abord , je suis sur qu’elle sort avec lui juste pour avoir des papiers français , qu’il la larguera , qu’elle sera renvoyée en pirogue dans son pays et qu’elle finira pute dans un bordel de la banlieue de Mexico . Et se sera bien fait pour sa pomme , à cette salope ! ») .
Faut bien se défouler , quoi .
Ce jour là d’Octobre 2004 , j’étais franchement d’une humeur aussi joyeuse qu’un candidat écologiste au soir du premier tour d’une élection présidentielle , et bien que franchement dans un état d’esprit à déclencher une guerre préventive contre l’Amérique Centrale et par exemple le Mexique (par exemple , hein) , j’étais plus franchement désappointé qu’autre chose , les yeux perdus dans la Garonne , une vague gouttelette à l’œil plus durement réprimée qu’un manifestant Nord Coréen .
Les hommes ne pleurent jamais , c’est bien connu .
« … et nous prions les passagers de bien vouloir rester assis durant la manœuvre , notre bateau va maintenant s’engager dans la passe du canal de Brienne … » .
Allons bon , on peut jamais se livrer à la répression des émotions intérieures tranquillement , dans ce pays ?
Une bête péniche arrive à ma hauteur , masquant méchamment mon horizon , perturbant ma rêverie de régime dictatorial oppressant les contrées hispaniques , mais plus grave , m’exposant à la vue de bêtes touristes crétins , affublés d’appareils photos qui ne serviront à rien d’autre que de faire braire leurs potes à leur retour au pays , quoique les photos intitulées « petit Français tentant de garder son calme » puissent apporter une touche de bonne humeur aux soirées projections envisagées .
D’autant qu’il était évident que j’avais le plus grand mal à le garder .
Mon calme .
« Bonk » .
Mais qui m’a foutu un dégénéré invertébré pareil ? L’abruti qui s’affuble d’une casquette de marin sans peur du ridicule -a tord- vient de prendre toutes les directions , sauf celle du canal . Autant pour moi : pour être rigoureusement exact , la péniche a heurté le parapet .
Pile à l’endroit ou je suis , évidemment .
Les touristes me regardent comme une bête de foire . Moi , je tente de rester dans mes idées noires gentiment , sans faire de mal à personne ailleurs que dans ma tête .
Ce qui est déjà pas mal .
« Bonk »
Putain !
« Le commandant s’excuse , nous avons une certaine difficulté à aborder le canal comme vous aurez pu le constater … »
Constater ? Nom de dieu , morue , vous allez dégager avec votre rafiot à la noix ?
« Bonk »
C’est ainsi que ce jour là , au bout de 15 , 15 longues minutes pendant lesquelles un handicapé des eaux tentait de manœuvrer un bateau avec la dextérité d’un tétraplégique en phase finale , un Nico à l’origine tristounet eut l’occasion de ruminer sur l’existence d’une entité supérieure à l’humour proche de celui de Bigard et de , disons Pascal Sevran , entité qui contrairement à l’idée répandue qu’elle serait la pour faire le bien , serait uniquement consacrée à pourrir les rares moments de décompression d’un Nico ayant cru naïvement que la Garonne l’aiderait à souffler un peu , en gâchant sa vue et sa tranquillité en lui collant sous le nez une bande de touristes crétins et ironiques .
Je reste persuadé que le dernier « Bonk » qui raisonnait alors que je m’éloignais dans un état de fureur noire se voulait plus goguenard que les autres .
Jamais sous estimer la mesquinerie d’un Bonk , je vous le dit .