« Alors tu es sur Nico ? Tu ne veux pas passer le nouvel an à Marseille avec nous ? » , s’enquit ma douce maman , une légère anxiété dans la voix .
Non , je ne veux pas passer le nouvel an à Marseille . J’en ai assez du nouvel an en famille , assez de ses soirées à attendre minuit comme le graal , en m’étant au préalable rasé toute la soirée (et sans pour autant songer à devenir président , en plus) en regardant les sempiternels programmes médiocres au possible de la soirée .
Et puis , May Aurore m’a proposé de la retrouver dans la soirée . Soit .
C’est ainsi que ce 31 Décembre 1999 , je laissais partir pour la première fois de ma vie mes parents sans moi , mon père , qui avait été mon principal soutien auprès de ma mère quand j’avais fait valoir qu’à 16 ans , je pouvais me débrouiller tout seul , me faisant au fur et à mesure que l’heure de leur départ approchait , une tête de plus en plus rembrunie , comme s’il se rendait compte tout à coup que j’étais sérieux quand j’affirmais mes velléités d’indépendance .
Ma relation avec mon père à toujours été construite sur un paradoxe à rendre ce pauvre Freud perdu en conjonctures contradictoires et pléthoriques (« Mais … mais … c’est impossible ! Tout ce que j’ai écrit s’effondre avec ces deux la ! » , dit le sieur Freud alors qu’on lui passe la camisole de force) .
La porte refermée , je respirais un grand coup , à ma fenêtre .
J’étais libre .
Et , ne me restais plus qu’à arriver , enfin , à joindre May .
Après tout , il n’y avait pas lieu de s’inquiéter qu’elle ne répondre pas à mes (nombreux) appels depuis deux jours …
(…)
Le soir arriva .
Toujours dans l’attente d’un rappel de May , j’étais parti m’acheter de quoi me faire un réveillon sympa , histoire de ne pas non seulement me retrouver seul , mais en plus le ventre vide .
C’est ainsi que je m’achetais royalement 2 bouteilles de coca et des Kinders à profusion .
De plus en plus fébrile au fur et à mesure que l’heure passait , j’éprouvais soudainement le besoin de partir prendre l’air , et par une température pas forcément aussi frigorifique qu’en Antarctique à l’ère glacière , j’allais me promener sur les berges de la Garonne , ou j’allais sobrement déambuler tout en chantonnant « Streets of Philadelphia » , pas forcément chose aisée en claquant des dents .
Une chose est sure , le nombre de témoins de la scène avoisinait zéro , quoique je crus bien apercevoir un manchot émerger quelques secondes de la flotte …
A 23h30, après avoir passé l’appel hypocrite de rigueur à mes parents (« C’est génial , tout va bien , ca va être une soirée fantastique ! ») , je prenais la direction de la place du Capitole , ou une foule assez dense se massait , attendant un feu d’artifice censé marquer le passage à l’an 2000 et qui se résuma , en fin de compte , à 3 pauvres pétards aussi impressionnants que Douste-Blazy en orateur à la tribune de l’Onu .
C’est aux alentours de minuit vingt que mon téléphone allait -enfin- sonner .
« Nico ? C’est May ! Bonne année ! »
Calme toi Nico , ne montre pas que par sa faute , tu es en pleine soirée loose et que ton passage à l’an 2000 ressemble à tes cinq années de solitude du collège …
« Hey ho , May ! Bonne année ! » (Bon dieu , comment enchainer intelligemment ?) « Dis moi , j’ai envie de marquer le coup et d’aller faire la tournée des boites (excellent , je ne sais pas d’où je sors ca !) , tu es partante ?
- Désolé Nico , on est quelques uns chez moi et on est pas très motivés pour sortir . Au fait , tu sais quoi ? Le mec dont je t’avais parlé , ca y’est , je sors avec lui ! Génial , non ? »
(…)
Je me suis sobrement couché , ce soir du 1er Janvier 2000 , aux alentours de 2h du matin .
Non sans avoir au préalable vidé les bouteilles de coca , et fait un sort aux Kinders , engloutis en un temps odieusement indécent …