4 septembre 2006
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16:20
J’arriverai à Lille vers 10H30 .
J’ai tout prévu . J’ai eu le temps . Je n’irai pas à l’aéroport avec ma voiture : elle pourrait ne pas démarrer , être bloquée par un camion , je pourrai crever , un premier ministre Togolais pourrait décider de faire un méchoui sur la rocade , protégé que serait cet énergumène par son insupportable immunité diplomatique , comme ne manquerait pas de me le faire remarquer le policier qui m’embarquerait après que j’ai joins le dit premier ministre aux saucisses qui grillaient sur son barbecue .
Il parait pourtant que je suis plus patient que mon père . Ça reste a voir .
Je pourrai même glisser sur une plaque de verglas . Avec ma chance , le fait que le thermomètre ne soit pas encore descendu en dessous de la barre des 15° ne saurait être une garantie suffisante . Après tout , il ne faisait pas si froid ce jour ou une improbable plaque de verglas eut le malheur de se trouver sur le chemin de ma parfois contestable conduite . Après les quelques tonneaux que j’avais fait ce jour la , la voiture avait échappée de peu a la casse .
Moi aussi d’ailleurs , après que j’ai du en informer mon entreprise …
J’ai renversé tous mes tiroirs , détruit mes amoncellements de papiers , cartes postales , publicités , horaires divers et autres lettres de service pour enfin trouver les horaires de la « navette » qui va du centre de Toulouse à l’aéroport . Au bout de 20 petites minutes de recherches et d’hurlements hystériques (« Bordel , qu’est ce que j’en ai foutu ??? ») , j’ai fini enfin par mettre la main dessus .
Qu’il s’agisse des tarifs et horaires de l’été 2004 ne m’alarma pas plus que ça : cet autobus passe sous mes fenêtres avec une telle régularité qu’il pourrait servir de chronomètre universel . Au bas mot .
Je prends soin de me coucher tôt , de ne prendre qu’un demi somnifère pour ne pas être assommé demain matin , soit dans 3 petites heures quand mon odieux réveil sonnera . Et il sonnera ! d’abord parce que je l’ai longuement testé (c’est mon téléphone qui fera office de bourreau) , ensuite parce que j’ai demandé à Catherine de régler le sien 5 minutes après que le mien ait réveillé l’immeuble , et moi accessoirement .
Ce n’est pas de la prudence . Appelons ça plutôt un excès de zèle motivé par des expériences désastreuses en matière de réveils matinaux .
Demain matin , je n’aurais pas à repasser par ma chambre après ma douche et risquerais moins de me prendre les pieds dans un inévitable obstacle , ce qui a d’ordinaire l’habitude de réveiller en sursaut Catherine , et accessoirement de la mettre d’une humeur du genre massacrante .
Autant dire que nos petits déjeuner sont régulièrement assombris par ce type d’anecdote .
Je m’habillerai dans le couloir , face aux miroirs géants qui certes ne me flattent guère mais je n’éclairerais pas a giorno pour éviter que l’image renvoyée par les miroirs ne me mette de mauvaise humeur . J’entrerai ensuite dans le salon , empêcherais cet idiot de chat de profiter de l’ouverture de la porte pour filer , et irais dans la cuisine me préparer un petit déjeuner ultra rapide .
J’envisage avec gourmandise un café et des toasts pour ne pas partir « le ventre vide » comme disait ma mère , et aussi parce que je ne sais pas si la compagnie aérienne qui me transportera m’offrira (ou me vendra, je ne suis pas totalement radin) la « collation » de rigueur , repas a peine digne pour un bagnard , consistant en un mauvais thé et une viennoiserie défraîchie .
J’ai calculé qu’en me levant à 5H45 j’avais largement le temps de tout faire , de descendre le boulevard jusqu’à l’arrêt de la navette et d’attraper celle de la demie ou , au pire , celle qui suivra à 7H . L’embarquement se fait jusqu’à 8H15 et il faut moins de 20 minutes pour relier l’aéroport .
Tout cela bien évidemment dans le meilleur des mondes .
Ce lundi matin tout se passe bien . Je ne trébuche pas en me levant , la douche est normalement chaude (je ne me brûle pas au 3eme degré pour une fois) , le shampoing « prend » (j’ai une tête normale les cheveux une fois secs) , je ne me coupe pas en me rasant , je réussis à rester raisonnable avec l’eau de toilette et le déodorant ne tombe pas sur le sol , pas plus que son couvercle dans le lavabo (une de mes grandes spécialités) ; l’épreuve du miroir est passée avec succès : je me plais bien ce matin . Pas de mèche en bataille , pas de trou trop voyant dans la chevelure , l’œil est vif , le regard clair et l’allure jeune .
Le nœud de cravate est raté mais somme toute pas pire que d’habitude : tout va bien donc .
J’ai bu mon café sans m’ébouillanter , sans me brûler la langue et sans faire une tache au milieu d’un des motifs de la cravate . Décidément tout va bien ! Naturellement (c’était avant que je trouve une pince spéciale crée à cet effet) , je me suis carbonisé le bout des doigts en retirant les tartines du grille-pain . La confiture de fraise était tellement liquide que j’ai fait une tache colleuse sur la nappe propre et le lave vaisselle était plein à ras bord de vaisselle propre mais pas rangée . Il a donc fallu que je lave tasse, assiettes et couverts .
Les projections d’eau ont heureusement disparu sans laisser de tâches visibles sur la veste .
Ne voulant pas « me mettre la pression » tout seul , j’ai essayé de ne pas regarder par la fenêtre pour ne pas guetter la navette . De toute manière si elle passe devant la maison , il m’est mathématiquement impossible de l’attraper , ce que pourtant je ne pourrais -me connaissant- m’empêcher de faire dans une poursuite grotesque , mais plus cruellement , vaine .
Mon inconscient ? mon sixième sens ? Appelons cela comme on veut , en tout cas il enregistre pourtant que si je n’ai pas cherché à la voir passer , je ne l’ai ni vue , ni surtout , entendue .
Le stress arrive et avec lui l’idée de fuir l’appartement et de me précipiter à l’arrêt du bus . C’est ce que je fais , négligeant d’embrasser ma femme qui somnole encore dans le lit , ce que je lui avais pourtant promis de faire hier .
Elle attendra une semaine de plus , qu’est ce que 7 jours ?
Le soleil n’est pas encore levé , le boulevard est totalement désert , le tabac ouvre : c’est bon , je suis dans les temps . Quand même , la première des 2 navettes possibles devrait passer maintenant . A moins que je l’ai ratée celle-là ? pas grave reste l’autre .
J’attends depuis de longues minutes dans la nuit , ce qui ne serait pas grand-chose s’il ne faisait pas un froid dantesque . La circulation s’intensifie . Les phares m’éblouissent . Et tous les bus de la région semblent s’être donnés le mot et s’arrêtent plus haut au feu rouge . De loin je ne peux voir s’il s’agit de cette navette qui commence tout de même à tarder . Bon , j’ai semble t’il le temps d’aller chercher des billets au distributeur .
Naturellement , il est en panne .
Celui qui est sur le trottoir plus haut fonctionne . Mais me donne un billet de 50€ . A coup sûr le conducteur de la navette me refusera cette grosse coupure , faute de monnaie . Ai-je le temps d’aller à la boulangerie , 50 mètres plus bas sur le boulevard , que j’ai de la monnaie et puisse éviter une incarcération pour homicide sur chauffeur de bus ? Oui , toujours pas de navette en vue .
Dans l’inconsciente ignorance de la sourde colère montant en moi , la boulangère met fort logiquement un temps infini à servir une cliente qui semble vouloir acheter des viennoiseries pour une petit demi centaine de personnes .
Je sors précipitamment de la boulangerie , mon sac de voyages est affreusement lourd (« une collection d’enclumes » dirait Nicolas) et s’accroche partout . L’abri de bus est plein de personnes dont l’inquiétude se traduit par un recours anormal et précipité à la lecture de l’heure sur leur montre ou leur téléphone . Un gigantesque camion s’est garé en double file devant nous et nous masque la circulation . Même plus moyen de guetter l’autobus .
Et l’heure qui tourne plus vite qu’un concorde avant un petit incident pneumatique . En comptant machinalement dans ma tête , je me rends compte qu’à moins que la navette arrive dans les 3 ou 4 minutes qui arrivent , mon arrivée à l’aéroport avant la fin de l’embarquement tient de la gageure tendance insurmontable .
Il faisait peut être froid , mais d’un coup l’atmosphère ambiante m’apparaît celle d’un sauna . Déréglé .
Un taxi ! appeler un taxi ! C’est jouable . J’appelle la centrale de réservation : ils sont naturellement débordés . Je repars vers la Place Wilson , alors qu’il fait maintenant jour . Le sol humide luit tristement . Et toujours ce sac pesant plus lourd que jamais . Alors qu’il traîne toujours une meute de taxis autour de cette foutue place , ils sont aujourd’hui aussi nombreux que des témoins a un procès Corse .
Rarement vu cette place aussi vide .
Je repars en sens inverse vers l’arrêt du bus . Il y a foule maintenant . Un jeune couple m’interroge quant aux taxis et semble anéanti par ma réponse . Ils disent avoir un billet d’avion non remboursable et une correspondance à Paris pour rejoindre un voyage organisé . Les langues se délient . La colère monte .
Quelques minutes encore et la révolution Bolchevique apparaîtra en comparaison a peine plus agitée qu’un bal populaire .
La navette arrive enfin : elle est bondée . L’opération de chargement prend un temps fou . Le conducteur semble faire durer à plaisir l’encaissement de chacun des passagers . Il nous apprend avec désinvolture que la cause du retard est une panne survenue à 2 autres navettes qui ont désorganisé le planning de la compagnie .
Et le mien , lui fais je remarquer sur un ton plutôt glaçant .
Il confirme ce que tous nous redoutions : non , il est impossible qu’on soit à l’aéroport dans le temps record de 15 minutes . La circulation fait maintenant des thromboses , l’arrêt suivant est l’occasion de faire monter un million de personnes plus lourdement chargées que les Rois Mages . Nous sommes tassés dans une chaleur et une buée pénibles .
Nous repartons avec la même vitesse ridicule . Il aurait probablement été difficile de collectionner plus de feux rouges . Notre chauffeur fait des politesses aux camions qui se garent sur le marché. Il laisse passer les crispantes vieilles dames qui traversent n’importe où avec leur ridicule chariot de courses d’où émergent déjà des branches de céleri .
A 8H20 est-il indispensable d’aller acquérir du céleri ?
A l’arrêt Compans-Caffarelli , je sais que c’est fini : Il y a 2 avions pour Lille aujourd’hui , je viens de rater le premier et le second sera probablement aux alentours d’une heure indécemment tardive . C’était mon premier jour de travail , mon nouvel employeur va pouvoir être fier de son nouvel employé , si ponctuel …
Je respire une fois sorti de cet enfer roulant et décide d’appeler mon boss pour lui éviter l’aéroport de Lille Lesquin . Le ton plutôt sec de ce dernier me laisse supposer qu’il ne goutte que très modérément la notion de ponctualité Toulousaine .
Je ne savais pas qu’on pouvait avoir un tel panel d’insultes en stock aussi tôt le matin .
Sympathique matinée , vraiment .
J’ai tout prévu . J’ai eu le temps . Je n’irai pas à l’aéroport avec ma voiture : elle pourrait ne pas démarrer , être bloquée par un camion , je pourrai crever , un premier ministre Togolais pourrait décider de faire un méchoui sur la rocade , protégé que serait cet énergumène par son insupportable immunité diplomatique , comme ne manquerait pas de me le faire remarquer le policier qui m’embarquerait après que j’ai joins le dit premier ministre aux saucisses qui grillaient sur son barbecue .
Il parait pourtant que je suis plus patient que mon père . Ça reste a voir .
Je pourrai même glisser sur une plaque de verglas . Avec ma chance , le fait que le thermomètre ne soit pas encore descendu en dessous de la barre des 15° ne saurait être une garantie suffisante . Après tout , il ne faisait pas si froid ce jour ou une improbable plaque de verglas eut le malheur de se trouver sur le chemin de ma parfois contestable conduite . Après les quelques tonneaux que j’avais fait ce jour la , la voiture avait échappée de peu a la casse .
Moi aussi d’ailleurs , après que j’ai du en informer mon entreprise …
J’ai renversé tous mes tiroirs , détruit mes amoncellements de papiers , cartes postales , publicités , horaires divers et autres lettres de service pour enfin trouver les horaires de la « navette » qui va du centre de Toulouse à l’aéroport . Au bout de 20 petites minutes de recherches et d’hurlements hystériques (« Bordel , qu’est ce que j’en ai foutu ??? ») , j’ai fini enfin par mettre la main dessus .
Qu’il s’agisse des tarifs et horaires de l’été 2004 ne m’alarma pas plus que ça : cet autobus passe sous mes fenêtres avec une telle régularité qu’il pourrait servir de chronomètre universel . Au bas mot .
Je prends soin de me coucher tôt , de ne prendre qu’un demi somnifère pour ne pas être assommé demain matin , soit dans 3 petites heures quand mon odieux réveil sonnera . Et il sonnera ! d’abord parce que je l’ai longuement testé (c’est mon téléphone qui fera office de bourreau) , ensuite parce que j’ai demandé à Catherine de régler le sien 5 minutes après que le mien ait réveillé l’immeuble , et moi accessoirement .
Ce n’est pas de la prudence . Appelons ça plutôt un excès de zèle motivé par des expériences désastreuses en matière de réveils matinaux .
Demain matin , je n’aurais pas à repasser par ma chambre après ma douche et risquerais moins de me prendre les pieds dans un inévitable obstacle , ce qui a d’ordinaire l’habitude de réveiller en sursaut Catherine , et accessoirement de la mettre d’une humeur du genre massacrante .
Autant dire que nos petits déjeuner sont régulièrement assombris par ce type d’anecdote .
Je m’habillerai dans le couloir , face aux miroirs géants qui certes ne me flattent guère mais je n’éclairerais pas a giorno pour éviter que l’image renvoyée par les miroirs ne me mette de mauvaise humeur . J’entrerai ensuite dans le salon , empêcherais cet idiot de chat de profiter de l’ouverture de la porte pour filer , et irais dans la cuisine me préparer un petit déjeuner ultra rapide .
J’envisage avec gourmandise un café et des toasts pour ne pas partir « le ventre vide » comme disait ma mère , et aussi parce que je ne sais pas si la compagnie aérienne qui me transportera m’offrira (ou me vendra, je ne suis pas totalement radin) la « collation » de rigueur , repas a peine digne pour un bagnard , consistant en un mauvais thé et une viennoiserie défraîchie .
J’ai calculé qu’en me levant à 5H45 j’avais largement le temps de tout faire , de descendre le boulevard jusqu’à l’arrêt de la navette et d’attraper celle de la demie ou , au pire , celle qui suivra à 7H . L’embarquement se fait jusqu’à 8H15 et il faut moins de 20 minutes pour relier l’aéroport .
Tout cela bien évidemment dans le meilleur des mondes .
Ce lundi matin tout se passe bien . Je ne trébuche pas en me levant , la douche est normalement chaude (je ne me brûle pas au 3eme degré pour une fois) , le shampoing « prend » (j’ai une tête normale les cheveux une fois secs) , je ne me coupe pas en me rasant , je réussis à rester raisonnable avec l’eau de toilette et le déodorant ne tombe pas sur le sol , pas plus que son couvercle dans le lavabo (une de mes grandes spécialités) ; l’épreuve du miroir est passée avec succès : je me plais bien ce matin . Pas de mèche en bataille , pas de trou trop voyant dans la chevelure , l’œil est vif , le regard clair et l’allure jeune .
Le nœud de cravate est raté mais somme toute pas pire que d’habitude : tout va bien donc .
J’ai bu mon café sans m’ébouillanter , sans me brûler la langue et sans faire une tache au milieu d’un des motifs de la cravate . Décidément tout va bien ! Naturellement (c’était avant que je trouve une pince spéciale crée à cet effet) , je me suis carbonisé le bout des doigts en retirant les tartines du grille-pain . La confiture de fraise était tellement liquide que j’ai fait une tache colleuse sur la nappe propre et le lave vaisselle était plein à ras bord de vaisselle propre mais pas rangée . Il a donc fallu que je lave tasse, assiettes et couverts .
Les projections d’eau ont heureusement disparu sans laisser de tâches visibles sur la veste .
Ne voulant pas « me mettre la pression » tout seul , j’ai essayé de ne pas regarder par la fenêtre pour ne pas guetter la navette . De toute manière si elle passe devant la maison , il m’est mathématiquement impossible de l’attraper , ce que pourtant je ne pourrais -me connaissant- m’empêcher de faire dans une poursuite grotesque , mais plus cruellement , vaine .
Mon inconscient ? mon sixième sens ? Appelons cela comme on veut , en tout cas il enregistre pourtant que si je n’ai pas cherché à la voir passer , je ne l’ai ni vue , ni surtout , entendue .
Le stress arrive et avec lui l’idée de fuir l’appartement et de me précipiter à l’arrêt du bus . C’est ce que je fais , négligeant d’embrasser ma femme qui somnole encore dans le lit , ce que je lui avais pourtant promis de faire hier .
Elle attendra une semaine de plus , qu’est ce que 7 jours ?
Le soleil n’est pas encore levé , le boulevard est totalement désert , le tabac ouvre : c’est bon , je suis dans les temps . Quand même , la première des 2 navettes possibles devrait passer maintenant . A moins que je l’ai ratée celle-là ? pas grave reste l’autre .
J’attends depuis de longues minutes dans la nuit , ce qui ne serait pas grand-chose s’il ne faisait pas un froid dantesque . La circulation s’intensifie . Les phares m’éblouissent . Et tous les bus de la région semblent s’être donnés le mot et s’arrêtent plus haut au feu rouge . De loin je ne peux voir s’il s’agit de cette navette qui commence tout de même à tarder . Bon , j’ai semble t’il le temps d’aller chercher des billets au distributeur .
Naturellement , il est en panne .
Celui qui est sur le trottoir plus haut fonctionne . Mais me donne un billet de 50€ . A coup sûr le conducteur de la navette me refusera cette grosse coupure , faute de monnaie . Ai-je le temps d’aller à la boulangerie , 50 mètres plus bas sur le boulevard , que j’ai de la monnaie et puisse éviter une incarcération pour homicide sur chauffeur de bus ? Oui , toujours pas de navette en vue .
Dans l’inconsciente ignorance de la sourde colère montant en moi , la boulangère met fort logiquement un temps infini à servir une cliente qui semble vouloir acheter des viennoiseries pour une petit demi centaine de personnes .
Je sors précipitamment de la boulangerie , mon sac de voyages est affreusement lourd (« une collection d’enclumes » dirait Nicolas) et s’accroche partout . L’abri de bus est plein de personnes dont l’inquiétude se traduit par un recours anormal et précipité à la lecture de l’heure sur leur montre ou leur téléphone . Un gigantesque camion s’est garé en double file devant nous et nous masque la circulation . Même plus moyen de guetter l’autobus .
Et l’heure qui tourne plus vite qu’un concorde avant un petit incident pneumatique . En comptant machinalement dans ma tête , je me rends compte qu’à moins que la navette arrive dans les 3 ou 4 minutes qui arrivent , mon arrivée à l’aéroport avant la fin de l’embarquement tient de la gageure tendance insurmontable .
Il faisait peut être froid , mais d’un coup l’atmosphère ambiante m’apparaît celle d’un sauna . Déréglé .
Un taxi ! appeler un taxi ! C’est jouable . J’appelle la centrale de réservation : ils sont naturellement débordés . Je repars vers la Place Wilson , alors qu’il fait maintenant jour . Le sol humide luit tristement . Et toujours ce sac pesant plus lourd que jamais . Alors qu’il traîne toujours une meute de taxis autour de cette foutue place , ils sont aujourd’hui aussi nombreux que des témoins a un procès Corse .
Rarement vu cette place aussi vide .
Je repars en sens inverse vers l’arrêt du bus . Il y a foule maintenant . Un jeune couple m’interroge quant aux taxis et semble anéanti par ma réponse . Ils disent avoir un billet d’avion non remboursable et une correspondance à Paris pour rejoindre un voyage organisé . Les langues se délient . La colère monte .
Quelques minutes encore et la révolution Bolchevique apparaîtra en comparaison a peine plus agitée qu’un bal populaire .
La navette arrive enfin : elle est bondée . L’opération de chargement prend un temps fou . Le conducteur semble faire durer à plaisir l’encaissement de chacun des passagers . Il nous apprend avec désinvolture que la cause du retard est une panne survenue à 2 autres navettes qui ont désorganisé le planning de la compagnie .
Et le mien , lui fais je remarquer sur un ton plutôt glaçant .
Il confirme ce que tous nous redoutions : non , il est impossible qu’on soit à l’aéroport dans le temps record de 15 minutes . La circulation fait maintenant des thromboses , l’arrêt suivant est l’occasion de faire monter un million de personnes plus lourdement chargées que les Rois Mages . Nous sommes tassés dans une chaleur et une buée pénibles .
Nous repartons avec la même vitesse ridicule . Il aurait probablement été difficile de collectionner plus de feux rouges . Notre chauffeur fait des politesses aux camions qui se garent sur le marché. Il laisse passer les crispantes vieilles dames qui traversent n’importe où avec leur ridicule chariot de courses d’où émergent déjà des branches de céleri .
A 8H20 est-il indispensable d’aller acquérir du céleri ?
A l’arrêt Compans-Caffarelli , je sais que c’est fini : Il y a 2 avions pour Lille aujourd’hui , je viens de rater le premier et le second sera probablement aux alentours d’une heure indécemment tardive . C’était mon premier jour de travail , mon nouvel employeur va pouvoir être fier de son nouvel employé , si ponctuel …
Je respire une fois sorti de cet enfer roulant et décide d’appeler mon boss pour lui éviter l’aéroport de Lille Lesquin . Le ton plutôt sec de ce dernier me laisse supposer qu’il ne goutte que très modérément la notion de ponctualité Toulousaine .
Je ne savais pas qu’on pouvait avoir un tel panel d’insultes en stock aussi tôt le matin .
Sympathique matinée , vraiment .