Comment ? On écrit pas un «eggloo » avec cette orthographe ?
Je me serais adonné à un déroutant anagramme ?
Allons bon, comme si c'était mon genre.
Un instant, je suis en train de m'asphyxier avec un papier d'Arménie qui se consume tout droit dans mon nez, c'en est insupportable.
Kof Kof !
Ouf, c'est mieux.
Je disais ? Ah oui. Depuis que j'ai obtenu le job de mes rêves au point que c'en est frustrant de se dire que je trouverais probablement difficilement mieux -une vraie torture, j'en suis déjà à m'angoisser en me demandant « et qu'est ce que je ferais après ? »- (j'ai un véritable don pour me gâcher les meilleurs moments de ma vie en anticipant sur les plus désagréables qui suivront), je suis amené à rencontrer régulièrement des personnes brillantes et que j'apprécie beaucoup.
... Même si elles m'agacent parce que j'ai qu'une peur, c'est qu'elles soient meilleures que moi.
Faut décidément que j'arrête de m'angoisser pour tout.
J'ai ainsi rencontré il y'a quelques temps l'un de mes homologues travaillant pour une plateforme internet concurrente à la mienne, qui en dehors du fait qu'il ait probablement une dizaine d'années de plus que moi, ce qui fait baisser d'un cran provisoirement mes craintes de chutes de cheveux lorsque je le vois, m'a pris en sympathie et m'apporte un certain nombre d'indications qui me sont vachement utiles.
Et en plus, il a tutoyé devant moi au téléphone l'ancien présentateur de Top 50, mon émission préférée de quand j'étais petit. Enfin, avant que ces couillons de Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h ne la ruinent.
... Ils paieront. Un jour.
C'est ainsi que découvrant qu'il était particulièrement ami avec un autre de nos homologues, mais bossant pour une boîte plutôt connue sous le nom de Eggloo, pour laquelle je n'ai absolument pas passé des nuits entières il y'a 2 ans à rédiger des CV que je n'osais envoyer de peur de faire hocquetter de rire jusqu'à mort s'ensuive les DRH , je tentais pas de subtiles et discrètes sournoises manœuvres de l'amener à organiser un déjeuner à 3 :
« François, François, tu l'appelles, hein dit ? On se le fait se déjeuner ? Hein ? S'il te plait s'il te plait s'il te plait ! »
... Je n'ai décidément aucun amour propre.
Mais j'ai toujours voulu visiter au moins une fois un bureau Eggloo.
(...)
Vendredi midi.
J'attends fébrilement François dans le froid glacial Parisien, d'autant plus glacial que j'ai jugé utile de me rendre à Paris en simple veste/chemise, considérant qu'une tenue semi-classe (ma veste étant visiblement trop grande de 3 tailles, forcément que le rendu final laisse à désirer) rendrait plus crédible ma relativement jeune « expérience » dont on pincerait le nez qu'il en sortirait encore du lait maternel, justifiant dès lors que je me pèle comme un lapin pelé sur la banquise.
Mon médecin m'a assuré que j'avais malgré tout une chance d'échapper à l'amputation du plus des 2/3 de mes organes vitaux.
Je fume ma dixième Camel de la matinée, ce qui aurait tendance a attester que je suis plutôt nerveux, et enclin aux arguments bidon pour justifier une consommation excessive de nicotine, mais on est pas juriste pour rien. Lorsque François arrive enfin, je tente toutefois de me la jouer relax, un peu comme quand je croise une ex dans la rue et que je veux montrer une indifférence totale à ce sombre coup du sort.
« C'est où leurs locaux ? C'est où ? Bon on y va ? Ah ah. Non mais je suis pas pressé hein, c'est juste qu'il fait un peu froid ! »
Je suis également pitoyable lorsque je tente de dissimuler mon émoi d'avoir rencontré une ex.
Nous rentrons dans un immeuble dont nous grimpons gaillardement 4 étages à pieds (penser à repasser à Eggloo, je viens de comprendre que c'est au deuxième étage que j'ai du y égarer mon poumon droit), et arrivons enfin dans l'antre des pingouins.
Faut bien que j'assume jusqu'au bout mon anagramme foireux.
Nous sommes dans une pièce gigantesque, comprendre « de quoi réunir 3 ou 4 appartements de mes amis à Paris », toute blanche ou presque, les boiseries garanties Hausmann ayant été toutes repeintes au couleurs criardes rouge/bleu/jaune qui font l'identité de Eggloo.
Je vous dis même pas ce qu'ils vont prendre quand ils voudront récupérer leur caution.
Une voix nous parvient de derrière un bureau aux couleurs changeantes et aux dimensions du Titanic, nous enjoignant de nous identifier sur un ordinateur tactile posé sur un coin de son bureau.
J'étais limite essoufflé lorsque parti du centre du bureau, j'atteignais l'écran.
... Je viens de comprendre où j'ai égaré mon poumon gauche.
Après avoir signé une licence m'enjoignant au silence le plus absolu sur ce que j'allais voir faute de quoi je serais poursuivi par une bande de tueurs hargneux et (multi)récidivistes (vous comprenez maintenant pourquoi je me provoque migraine sur migraine à tenter une orthographe douteuse pour parler d'Eggloo ?), je rentrais enfin et véritablement dans le paradis sur terre, l'antre du bonheur, le monde dont rêve tout syndicaliste aigri de FO-SUD.
Je me suis surpris à chercher les insupportables marionnettes d'Eurodisney qui vous minent le moral à vous répéter d'une voix crispante et niaise que « c'est un monde petit ».
Je me prends à rêver doucement de venir bosser la-dedans.
... cela jusqu'à ce que notre hôte nous invite à le suivre à une cantine. LA cantine.
Une cantine. Le monde horrible où les odeurs les plus infectes se rejoignent votre assiette. La place où l'on doit choisir dans l'urgence et sous les regards narquois de ceux qui vous suivent entre s'intoxiquer aux frites douteuses s'étouffer au poisson panné (... d'arêtes). Le truc qui aurait poussé les révoltés du Potemkine à manger tout compte fait leur viande aux larves fraiches plutôt que faire la queue un plateau en main, fut-ce chez Eggloo. Le lieux où des hommes aux allures patibulaires vous dévisagent froidement avant de vous marmonner Tataglioni dort avec les poissons ... et sinon, qu'est ce que se sera pour vous ?
Pinnochio n'avait pas subi pareille déconvenue en découvrant que son Disneyland l'avait transformé en âne, groumf.
Plus jamais je ne ficherais les pieds chez Eggloo, tiens.
NB : Monsieur le DRH de Eggloo qui comptait m'offrir un poste à 3000 euros par mois versés en liquide sur le compte d'une banque des Malouines et qui n'êtes pas habitué à mon humour tordu, sachez que j'ai trouvé la viande absolument délicieuse. Mmm ? Le gras ? Non, non, j'ai rien vu, pensez vous.
NB : Pour rappel, la Brune tient dorénavant son propre blog, et laissez moi vous dire objectivement et sans avoir un canon de fusil sur la tempe ou une hypothétique menace de nuits chastes si je ne le faisais pas que c'est particulièrement gratiné !
Le blog de brune, donc : http://mespetitsboulots.over-blog.com