The Supermen Lovers - Starlight
Un des principaux vices de fabrication m'affectant reste que je ne sais pas tenir ma langue .
Ainsi , lorsque brune me demande gentiment d’aller retirer pour elle un abominable t-shirt vert (quelle abomination !) pour une manifestation culturelle dont le principe même m’échappe complètement (écouter cette gourde de Fanny Ardant lire des textes démodés et rasoirs , est-ce bien sérieux ?) , je ne peux m’empêcher de me laisser bêtement attendrir lorsque j’entends l’un des responsables de l’événement dire assez fort pour que tout le monde ou un Nico (c'est pareil) l’entende :« zut , mais comment vais-je faire si je n’arrive pas à trouver un bénévole pour ce petit travail de rien du tout ? » .
Si un des mes lecteurs aurait à son passif une licence de psychologie , il pourrait toujours la rentabiliser en m’expliquant pourquoi quand je pense dans ma tête « fuit de là , fuit de là , fuit de là » , je ne peux m'empêcher d’ouvrir mon grand clapet pour répondre « allez , je vais vous le faire votre petit boulot … »
Non , parce que franchement , j’avais sincèrement autre chose à faire d’autrement plus intéressant que de me retrouver avec l’obligation de me lever le lendemain à 8h déguisé en Géant Vert demi-portion .
Pioncer joyeusement ? Par exemple .
(…)
Levé à 7h55 du matin , je n’avais fatalement pas le temps de me prendre un café .
Il paraît qu’un certain nombre de personnes arrivent à s’en passer sans pour autant ressembler à un cadavre en décomposition avancée devenu le rendez vous du gratin de toutes les variantes les plus marrantes des mouches du coin .
J'ai énormément de mal à le croire lorsque je me regarde dans la glace le matin .
J’arrivais presque à l’heure (comptons donc 5 min de retard , quart d’heure toulousain non compris évidemment) au lieu que l’on m’avait demandé de hanter , suffisamment ponctuel pour me sentir en droit d’éructer bruyamment à la vue de l’affligeante affluence des autres bénévoles censés coopérer avec moi à l’édifiante tache objet de mon détestable réveil .
Grosso-modo , y’avait autant d’hommes en vert sur place que de bénévoles dans une maison de retraite de Calais au mois d’Août .
Encore un long moment de solitude , que je traversais là .
Alors que j’entamais prudemment une procédure de retraite de type Waterloo , j’étais interpellé par un type visiblement beaucoup plus réveillé que moi , suffisamment en tout cas pour avoir compris en un tour de main qu’il allait perdre le seul bénévole qui ait eut la témérité de venir se jeter dans un attrape couillons au moins aussi grossier que l’emprunt russe qui fit le bonheur des épargnants Français de la belle époque .
Une chose est sure : je serais vieux de quelques années de plus , j’aurais été le seul acheteur d’actions Eurotunnel la veille de leur crash .
« Ah … vous êtes tout ce qu’on m’envoie comme bénévole … » , estima t’il d’un œil tendance méprisant-agacé .
Si seulement j’avais été un peu plus réveillé , en voilà toujours un qui aurait profité d’un voyage gracieux pour l’orbite de Jupiter .
Il sembla d’ailleurs mesurer que mon absence de réaction signifiait bien que son bénévole risquait de tourner de l’œil , pour peu que l’une des paupières qui lui faisaient face en renferment un , oeil .
« Il y’a une cafetière dans la cuisine , en attendant que d’autres bénévoles arrivent , tu peux toujours t’en préparer un … »
A noter que ma conversation n’avait pour l’instant pas dépassé celle de bavard , le muet d’un village à l’ouest du Pecos .
(...)
Une cuisine .
Une cuisine éclairée par des néons , cette odieuse création contre nature inventée par un type aussi dénué du sens de l’esthétisme que de celui du confort . Je découvre enfin , après moult tâtonnements hasardeux et maladroits , quelque chose que mes doigts identifient comme étant une cafetière .
Un vieux filtre usagé l’occupe encore , ainsi que ce qui a du naguère ressembler à une imitation de café soluble de type Lidl . Mais alors , vraiment avec beaucoup d’imagination .
Je me dirige vers des toilettes que j’ai deviné lors de mes investigations précédentes , et j’y verse le contenu du filtre , oubliant qu’une poubelle aurait probablement et plus logiquement fait l’affaire .
Est il utile de préciser que c’est ainsi que je me suis retrouvé à 8h30 du matin , dans des toilettes immondes et qui ne sont pas les miennes , à nettoyer un abominable résidu de café éparpillé un peu partout , dans et hors de la cuvette ?
(…)
Après avoir passé deux bonnes heures à désempiler des chaises , pour former des rangées symétriques imaginées par un type qui avait jugé utile de faire un plan à notre attention (non mais je vous jure …) , moi , et des bénévoles qui avaient fini par se décider enfin à arriver , prenions la direction de la cuisine , afin de faire un sort au café que j’avais lancé quelque heures plus tôt .
Il n’est pas de mot assez fort pour résumer la confusion , le mal être , les pulsions suicidaires , l’envie de mener la révolution en Éthiopie , le désir de me castrer chimiquement ainsi que celle de gâcher une corde de chanvre toute neuve pour priver l’Europe de ma contribution , lorsque empoignant la cafetière , seule me restait en main la poignée , le réceptacle en verre et le café allant s’écraser par terre aux pieds des bénévoles attérés …
Le bénévolat , c’est ma joie .