Le 5 Juin 2011, c'est-à-dire dans quelques jours à peine, cela fera déjà 2 ans que un beau dimanche matin, j’ai refermé la porte de mon petit appartement du 6 Place Lafourcade à Toulouse, trébuché sur 1 marche sur 2 en portant à bout de bras mon matelas, glissé les clés dans la boite aux lettres, lâché mon matelas sur la place et sur lequel vomissaient dare-dare 2 étudiants fatigués de leur nuit blanche, et j’embarquais dans la voiture de mon daron qui m’amenait à l’aéroport, direction Montréal, Aller-Simple.
Tiens, il faudrait que je pense à vérifier la prescription pour le lâcher de déchets sur la voie publique.
Bon, en attendant : "mais non sans avoir fait un détour par la déchetterie du Ramier pour y mettre au vide ordure les 2 étudiants."
… Mmm, tout compte fait, je ne suis pas sûr que cette seconde version soit moins risquée juridiquement.
(…)
Dès fois, alors que j’arrose avec nonchalance de sirop d’érable mon bacon (anorexiques, ne vomissez pas tout de suite), je me demande ce qui m’a amené à vouloir vivre ailleurs que le pays où je suis né, et où vivent ma famille et mes amis de régiment (oui, le Lycée Fermat où je les ai rencontrés tenait bien de la caserne militaire).
Et là, déroule un argumentaire aussi long que le générique de fin d’un film de James Cameron.
A la base, j’y ai été incité assez jeune (enfin, plus jeune que je ne le suis maintenant. Parce que bon, 29 ans, c’est rien hein ?), à chaque fois que mon père recevant une facture ou un rappel d’impôt, celui-ci se métamorphosait en père du Petit Nicolas, le vrai, et s’exclamait « non mais Nico, barre toi de ce pays dès que tu pourras, non mais vraiment ».
Et il le regrette amèrement chaque fois que je lui rappelle cette cause de départ.
Non, mais vraiment.
Une des raisons pour lesquelles j’ai quitté la France, c’est aussi l’impôt sur la Fortune. Non, je rigole. Assuré par mes origines modestes de le rester -modestement sans le sou- et parce que Otis ne se presse pas vraiment de venir réparer l’ascenseur social, j’ai gardé en mémoire une réplique de ce film médiocre Français (pléonasme) « Ah, si j’étais riche », dans lequel Darroussin, ayant dépensé sans compter, vient revoir son banquier, craignant d’apprendre que sa nouvelle fortune s’est déjà évaporée, et découvre que les intérêts de son compte l’ont fait devenir plus riche encore qu’il ne l’était déjà. S’en suivait cette réplique mémorable :
« mais alors, quand on est riche, on ne peut que devenir plus riche ?
(son banquier) – oui, et quand on est pauvre, c’est pareil … »
J’en ai conclu que pour avoir une chance de m’en sortir, j’avais tout intérêt à rechercher un pays dans lequel Otis réparerait plus vite l’ascenseur social, du coup.
En fait, c’est un ensemble de petites choses qui m’ont amené à partir, pas « une » chose. Rien ne m’agace plus depuis que je suis parti que de lire des déclarations tonitruantes de l’un ou l’autre con ou Vendetta (pléaonasme, again) hurler dans les trucs subventionnés qui se font encore passer avec succès pour des journaux que si telle ou telle chose se produira, ils partiront. Pour moi, l’assurance qu’une personne ne partira pas, c’est qu’elle hurle à ce point « retenez-moi ou je fais un malheur » : Ceux qui s’expatrient réellement le font sur la pointe des pieds.
Un peu comme quand je rentrais à 4h du mat à l’appartement parental en ayant dépassé de 4h l’heure de retour qui m’avait été initialement fixée.
Ainsi, je suis parti :
- parce que je ne supportais plus que tel ou tel bar à Toulouse ferme ou doive se cloisonner parce que un collectif de vieux cons trouvait anormal que la place historiquement étudiante de Toulouse soit bruyante (en fait, je ne supportais plus les vieux, tout court. Et problème : on entend qu'eux en France),
- parce que je ne supportais plus de craindre que ma brune et moi nous fassions agresser, physiquement (jamais arrivé) ou verbalement (tellement courant que mon égo en est resté planqué 2 ans dans mon cul),
- parce que je trouvais insupportable l’importance des impôts sur ma fiche de paie. Payé correctement sans plus, mon salaire net ne me permettait pas de ne pas connaitre les affres du découvert et du banquier qui te fait la morale quand t’as envie de lui répondre que c’est ces frais qui sont immoraux,
- je ne supportais plus de devoir fournir un dossier de la taille d’un Larousse pour seulement prétendre au plus miteux des appartements de Toulouse, sans parler qu’il fallait serrer les dents en écoutant les remarques désobligeantes de l’agente immobilière au cerveau labellisable au Guinness des records pour sa petitesse,
- je ne supportais plus l’ensemble de la classe politique Française, dont le dernier renouvellement date de l’avènement de la 5ème république. Quand je vois aujourd’hui de loin revenir un Lefebvre, une Royal, un Sarkozy ou un Copé, je songe juste à changer de nationalité,
- je ne pouvais plus vivre dans un pays supportant des injustices flagrantes, d’un point de vue judiciaire. Un pays dans lequel un médecin comme madame Frachon a été aussi menacée pour pouvoir dire qu’un médicament merdique entrainait la mort de patients, parce que le proprio du laboratoire était un membre du 1er cercle finançant l’UMP ; et dans lequel un Bernard Tapie reçoit 400 Millions d’Euros sur un faux jugement avec des faux juges et un faux ministre qui vient te dire à la télévision qu’il ne restera à Monsieur Tapie, qui n’est pas de ses amis, quelques millions, bref, tout cela, c’est un pays dans lequel je ne voulais non seulement plus vivre, mais auquel je ne voulais plus être identifié.
Beaucoup de reproches (et j'en passe), que les qualités indéniables du pays (attendez, je suis sur que je peux vous en trouver une ou deux. D’ici 5/10 ans de réflexion.) n’arrivaient plus à rendre inaudibles. Mais je vous l'accorde, cette longue litanie de reproches à mon pays de naissance, que je n’ai pas choisi, et qui s’il aurait pu être mieux, pouvait également facilement être pire.
Je suis persuadé qu’un Afghan vit moins bien qu’un Français, par exemple. Ah !
Il est certain que le choix de mon pays d’accueil mettait d’autant plus en exergue les faiblesses de la France que j’étais conditionné à les voir. Mais au Québec, je n’ai trouvé qu’un pays de bisounours, où tout est simple, sans prise de tête, où l’on skie le soir après le boulot l’hiver et va faire un barbecue dans le jardin Lafontaine le soir après le boulot en Eté, bref, un pays reposant. Même les engueulades des locaux entre eux sont rigolotes à suivre d’un œil, tellement elles ressemblent en plus mignon à un débat télévisé entre un UMP et un FN (ou un PS et un Front de Gauche) sur le plateau d’une Claire Chazal.
Bref, du faux-semblant, quoi.
(…)
On se retrouve le 5 Juin pour un bilan sur les 2 ans au Canada, pour ceux qui n’auront pas brulé mon effigie en place publique d’ici-là évidemment ^^
NB : Au passage, si vous saviez ce que c'est agaçant de lire dans la "Presse" ces articles écrits par des Français qui pour rien au monde ne bougeraient de Paris, ou alors pour critiquer, et qui viennent expliquer doctement "pourquoi les jeunes partent" ! Demandez aux jeunes, et ne donnez-pas votre avis : vous n'en savez rien.