Le problème avec les rites reste qu’ils vous exposent plus durement aux souvenirs , offrant des points de comparaison plus cruels que le reflet d’un miroir , ou qu’un inquisiteur tombé nez a nez avec un protestant revendicatif .
Bayonne cru 2006 , je concède que ça m’a particulièrement picoté .
Ils y’a plusieurs manières de présenter les choses . Si je disais que c’est la 4eme fois que je faisais Bayonne , mon amertume passerait pour hors de propos et je passerais pour un raleur complaisant . Si je dis c’est la 4eme année que je fais Bayonne , je passe pour un type sans imagination au moment d’organiser ses vacances , mais pas de quoi faire un drame la encore .
Mais si je dis " j’avais 18 ans la première fois que j’ai fait Bayonne " , la vache , j’ai envie de fuir en hurlant de désespoir me planquer dans un bordel Australien .
Au retour de Bayonne , la question posée par tout les niais qui ne font que fantasmer dessus sans jamais y avoir foutu les pieds est " alors , t’as choppé ? " . Nooon , je n’ai pas choppé ! Essayez de chopper , quand vous vous morfondez a voir des gamins dont on pincerait le nez qu’il en sortirait encore du lait courir dans tous les sens , que vous comprenez qu’ils ont l’age que vous aviez il y’a 4 ans , et que vous , vous frisez la crise cardiaque lorsqu’un ami laisse tomber alors que vous êtes complètement plié " Tiens , il n’est que 23h " !
Je suis resté bloqué 1m30 a regarder l’infâme cadran de sa montre reflet de ma pitoyable déchéance .
La première année , nous avions fait dans l’improvisation et dormis dans des conditions a faire frémir le premier inspecteur de l’hygiène venu , mais les années passant , nous nous sommes habitués a un confort minimum qui sans être désagréable , ôte un certain charme a l’aventure .
Tandis que dormir sur un terre plein séparant une nationale d’un parking , avouez que ça faisait bohème , tout de même .
Le charme de Bayonne est rompu . Non pas que j’ai été agressé sur mon poids (Argh ! 70 kg au retour , moi qui me plaisais a afficher ma maigreur des années durant !) , sur mon age , sur mon endurance (ben oui , ça la fout mal de se coucher toute l’année a 4h du mat et de pas tenir jusqu'à 2h aux férias) …
Tout cela n’est que broutilles , désobligeantes certes , mais broutilles tout de même .
Non , le vrai problème reste que je me suis escrimé pendant ces quelques jours de férias a rompre avec la tradition qui c’était installée , tradition qui certes nourrissait les discutions chaque année jusqu'à la mi novembre au bas mot , mais qui malgré tout portait un préjudice certains a mes pauvres nerfs a la seule période de l’année ou ils puissent souffler un peu , si j’ose ainsi m’exprimer .
Incroyable , disons le . Je n’ai commis aucune catastrophe a Bayonne , ni perdu quoique se soit .
C’était trop anormal . Mon téléphone refuse de fonctionner depuis , sans doute averti par ses prédécesseurs (oui , je crois au coté mystique de la téléphonie mobile …) qu’il soit inhabituel qu’il ait passé ces férias qui devaient lui êtres fatidiques ; et chez mon père qui m’accueillait gentiment en me faisant un petit repas et avec qui j’entretiens des rapports pacifiés depuis un an , et dans un geste d’une simplicité pourtant plus que bénigne , j’ai , en accrochant une brique avec mon jean , littéralement explosé un coté de la cheminée en marbre du salon , le marbre et le ciment volant par terre dans un bruit aussi impressionnant que l’expression qui assombrit instantanément le visage de mon gentil papa …
Bayonne a Toulouse , ça valait bien la peine de faire 300 bornes tiens .