Le lundi matin, c'est toujours aussi douloureux de se lever que de marcher pieds nus sur un tapis de fakir rouillé (et plus sous garantie constructeur, tiens).
Ca, c'est ce qui n'a pas changé depuis mes années fac.
Et qui ne changera pas le prochain quart de siècle, évidemment.
Je me lève tous les matins de la semaine à 8h55, c'est à dire 10 minutes après que mon réveil ait sonné, donc 10 minutes en retard sur le temps minimal et incompressible qu'il me faudrait pour prendre ma douche, nourrir mon chat qui tente de me tuer en se foutant dans mes jambes quand je lui verse son miaoumiam qui sent mon arrière grand-mère, et parcourir sur mon vélo les 800 mètres qui me séparent de mon boulot.
Sans parler du fait que mon vélo ne trouve rien de mieux à faire pour me retarder un peu plus que de dérailler lorsque le feu vient de passer au vert et qu'un bus au format char Leclerc vient de prendre juste derrière moi une accélération de formule 1.
Le lundi donc, arrivé cardiaque à mon poste de travail à 9H39 9H30 précises, ma première activité consiste à trouver la bouilloire dans la cuisine de mon boulot, chose particulièrement difficile lorsque l'on a les yeux d'un lapin atteint de la myxomatose un lundi matin à 9H40 9H31.
… Mes collègues vont enfin comprendre pourquoi la moitié de la bouilloire est répandue sur le sol chaque matin.
Mon café chaud, je m'installe devant mon ordinateur portable de boulot, impeccablement rangé en face de moi, ainsi que devant ce qui fut un temps un quart de la forêt Amazonienne, et qui se présente aujourd'hui sous la forme certes moins glamour de contrats, courriers d'insultes d'avocats teigneux, bref, plein de petites choses qu'on a pas envie de voir en sirotant son café brulant.
Raison pour laquelle je me plonge en lieu et place dans la lecture attentive de mes mails reçus le week-end.
... Mails qui contiennent des contrats, des litanies d'injures d'avocats teigneux ET numériques, etc ...
A midi, je sors de la lecture de toute cette prose pour constater que j'ai encore oublié d'organiser mon déjeuner, alors que la veille je m'étais invariablement juré de le rendre utile en en profitant pour entretenir mon réseau de contact.
En plus, je suis trop sur que Francois F. serait disponible, pris comme ca par surprise un lundi midi.
L'après midi, j'épluche enfin le courrier qui fait ressembler mon bureau au pont de San Francisco lors du tremblement de terre de 1906, et je commence à répondre aux plus urgents, voir même j'empoigne mon téléphone pour déminer de suite le terrain avec l'auteur de la missive incendiaire si je sens qu'il est à deux doigts d'envoyer l'armée, sinon l'Otan chez nous.
Y'a des nerveux, tout de même.
Quoique théoriquement, je pourrais me permettre de quitter le boulot à 18h sans trop m’angoisser sur une probabilité plus ou moins forte de devoir aller à court terme me faire expliquer à l’ANPE comment on rédige un CV par une andouille même pas foutue de faire la différence entre un Complément d’objet direct et indirect (et bim, j’ai insinué le doute en vous d’un coup, là !), ce n’est qu’à 19h les yeux aussi explosés sur mon écran que s’ils avaient fait un séjour au four à micro-ondes que je pars, histoire d’attraper ma brune à la sortie de son boulot.
Et chaque lundi à 19h, je me dis que j’aurais mieux fait de rentrer direct à la maison plutôt que passer 30 minutes à chercher l’improbable station de vélib qui ne ressemble pas au crâne de Michel Drucker.
C’est fou ce que c’est vide, une station de vélib un lundi à 19h.
Fin de journée donc pour le lundi, la brune et moi ressembleront généralement ce soir là, effondrés sur le canapé, à 2 croutes de fromage Président dans un frigo dévasté.
Parce que j’ai évidemment oublié toute la journée d’appeler du monde pour sortir ce soir là.
Putain de lundi.